Le diabète est assurément la maladie la plus répandue dans le pays. Environ 3 millions de cas avérés sont recensés. Chaque famille compte, en son sein, au moins un membre diabétique. Quand le mal touche les enfants, son acceptation est plus difficile. C'est tout l'équilibre familial qui chancelle. Mme Z. K a appris que son fils, âgé de 12 ans, est atteint de diabète, en 2007 alors que la famille se préparait à se rendre aux obsèques d'un parent proche. “Il était très faible pendant une semaine. Il buvait beaucoup d'eau et se rendait autant aux toilettes. Nous l'avons emmené chez le médecin. En lui parlant de son envie de boire et d'uriner (polyurie, ndlr), elle a soupçonné un diabète. Elle lui a fait une analyse qui a confirmé ses doutes. Le taux de glycémie était très élevé” raconte la maman. Son fils est hospitalisé immédiatement au CHU de Béni Messous.”Il a été mis tout de suite sous insuline”. Son séjour à l'hôpital devait durer un mois. Par manque de places, il n'a été gardé que 8 jours, le temps de stabiliser le taux du glucose dans le sang et inculquer aux parents les notions élémentaires de traitement de la maladie à domicile. “On nous a appris les signes de l'hypoglycémie et l'hyperglycémie et comment réagir face à chaque situation” poursuit notre interlocutrice. Devant l'urgence, Mme K n'a pensé qu'à gérer l'instant présent. C'est au retour à la maison, après l'hospitalisation, que les contrecoups de la nouvelle ont commencé à peser. “J'ai déprimé pendant presque un mois. Ce n'est pas facile d'admettre que notre enfant, qu'on pensait en bonne santé, est atteint d'une maladie chronique.” Elle reconnaît que 18 mois plus tard, elle accepte mieux la fatalité. Elle précise, néanmoins, que le diabète de son gosse, a changé les habitudes alimentaires de toute la famille, qui inclut trois autres enfants dont deux au bas âge. “Tout le monde à la maison fait le régime. Nous sommes obligés de ne plus acheter de sucreries, ou bien de les manger en cachette” assure-t-elle. Ce sont là les mêmes propos qui revenaient dans les bouches des mamans, qui ont assisté à une séance d'éducation thérapeutique, le 29 mars dernier, à la salle des jeux du service pédiatrie du CHU de Béni-Messous. La nutritionniste diététicienne, qui leur faisait –ainsi qu'aux enfants malades-, des exercices sur la composition des repas adaptés au régime du diabétique, recommandait justement, de ne pas isoler l'enfant diabétique par des plats différents de ceux servis au reste de la famille. Il était d'ailleurs étonnant de constater à quel point parents et enfants connaissaient si bien le rituel du diabétique : injection de doses d'insulines plusieurs fois par jour, régime alimentaire strict… Ils savaient aussi comment parer aux hypoglycémies par l'astuce du morceau de sucre, glissé dans la poche du gamin à son départ pour l'école, et du bout de pain (1/6 de la baguette selon la diététicienne). à vrai dire, la prise en charge thérapeutique de l'enfant diabétique repose essentiellement sur l'apprentissage de gestes qui deviennent mécaniques au fur et à mesure que la maladie s'incruste dans le temps. Pour le Dr Ferhani, diabétologue au service pédiatrie du CHU Mustapha, “l'éducation de l'enfant diabétique est le maître-mot de la prise en charge médicale. Il faut tout lui apprendre ainsi qu'à ses parents”. Dr Ferhani précise qu'il ne sied pas d'imposer un régime alimentaire draconien, mais plutôt préconiser une bonne alimentation, pour ne pas gêner la croissance du gosse. “L'enfant diabétique ne doit être en aucun cas réprimé sur le plan alimentaire, en raison des paramètres de croissance et d'acceptation. Sa diététique doit être libre mais non libérale. Nous agissons surtout sur les sucres rapides” avance-t-il. Il estime primordial d'apprendre aux parents et à l'enseignant comment reconnaître rapidement les signes de l'hypoglycémie pour éviter des complications dans l'état de l'enfant. L'hypoglycémie se manifeste cliniquement par des maux abdominaux, des céphalées et vertiges, des sueurs, une tachycardie, troubles du comportement, convulsion et même coma. Une maladie irréversible Le praticien relève, en outre, les difficultés que lui et ses confrères rencontrent au contact des mineurs souffrant, pour la majorité, de diabète de type I. “Il y a des problèmes d'acceptation de la maladie et des facteurs psychologiques, qui agissent sur l'enfant, et que nous ne maitrisons pas. Nous ne pouvons pas parler de son diabète sans évoquer sa vie, qu'il voit entravée par la maladie. Pour ces raisons, il est difficile de traiter un enfant diabétique”. Avant l'âge de la puberté, il est tout aussi ardu de stabiliser le taux de glycémie, qu'il est impératif de contrôler régulièrement afin de parer au manque ou au contraire réduire l'excès. Une fois le diabète diagnostiqué, il devient irréversible. Aucun remède n'est connu pour sa complète guérison. “L'espoir est dans les cellules souches” affirme Dr Ferhani. Il n'en demeure pas moins que le chemin de la recherche, en la matière, est encore long. Par ailleurs, même s'il est avéré que le diabète est causé par des facteurs immunologiques, génétiques et d'environnement et que dans le système HLA, certains groupes de population sont plus exposés que d'autres, il n'est point possible de faire dans la prévention. “Il faudrait alors identifier tous les groupes HLA, et prévoir ensuite le moment où la maladie apparaitra chez une personne. En modèle de laboratoire, c'est possible d'assurer ce type de prévention, mais ce n'est pas porteur en termes de santé publique. D'autant plus que nous avons eu la preuve que la prévention du diabète de type I n'a pas eu de résultats probants” affirme le diabétologue. Pour lui, il est impératif d'agir sur l'hygiène de vie pour éviter, ou du moins, retarder les complications qui guettent, tel un fauve tapis dans l'ombre, l'enfant diabétique. Les hypoglycémies sont récurrentes, et particulièrement dangereuses pour les tout petits, bien qu'il soit admis que le diabète du nourrisson est plutôt rare. Un temps très court de manque de glucose peut laisser des séquelles graves, notamment sur le développement cérébral. La céto-acidose, autre complication aiguë, peut provoquer des troubles respiratoires et rénaux. à moyen et long termes, apparaissent des complications dégénératives, telle que la micro-angiopathie, c'est-à-dire, dépôt chronique de lipides dans les petits vaisseaux sanguins. Cela entraine la rétinopathie diabétique et la néphropathie diabétiques. Pour les diabétologues, il est impératif de dépister ces complications à leur début, par des check-up annuels avec un fond d'œil et des bilans biologiques complets. En dépit de la chronicité de la maladie, le médecin diabétologue refuse de lui attribuer la notion d'handicap. “La vie de l'enfant diabétique doit être normale. En ce qui nous concerne, nous devons travailler en réseau pour améliorer sa prise en charge”. S. H.