Les salles de cinéma ou de spectacle sont-elles considérées comme des biens relevant du patrimoine des collectivités locales ou du secteur de la culture ? Si la réponse est affirmative, quelle place alors leur accorder ? La double célébration des Journées mondiales sur les vestiges (18 avril) et sur les musées (18 mai) réunies et étalées sur tout le mois consacré au patrimoine devra être mise à profit par les responsables concernés pour faire un état des lieux de ces espaces vitaux pour l'épanouissement de l'être humain. La dizaine de salles de cinéma qui existaient à travers toute la wilaya, dont trois dans chacune des villes d'Aïn Témouchent (ex-Capitol, Casino et Splendid) et de Hammam Bou-Hadjar (ex-Le Paris, l'Empire et le Grillon), deux à Béni-Saf (ex-Lux et Rex) et les autres à El-Amria et El-Malah (ex-le Triomphe), sont dans un abandon total, livrées aux rats et complètement dégradées. Ces infrastructures qui ont marqué les grands moments du 7e art, des grands concerts et de belles pièces théâtrales attestent de l'état d'esprit qui caractérise notre société. La jeune génération, avec l'influence du petit écran, de la TV plasma, du home cinéma et de la vidéo, est incapable d'apprécier le plaisir des films en 16 mm projetés sur grand écran dans une salle obscure, où même les chuchotements sont quasi interdits par respect aux spectateurs. Les cinéphiles de l'époque qui a suivi la nationalisation en 1965 de ces lieux de divertissement, d'ouverture et de savoir-vivre ont peut-être profité de ces moments pendant quelques années seulement, laissant la place à la déchéance du septième art dans la mesure où ceux qui ont eu la charge de gérer ces salles versées dans le patrimoine communal ont réussi une seule chose, celle de leur redonner d'autres noms. À Béni-Saf, la rue de la République, artère principale et préférée des amateurs du grand écran mais aussi des noctambules, ne valait que par sa salle de cinéma Rex, actuellement El-Feth, à l'origine de l'ambiance qui y régnait et où tout le monde trouvait son compte, à l'image des commerçants du coin dont les activités étaient liées directement à cette salle de spectacles. Actuellement, celle-ci, qui fait fonction d'un semblant de vidéo-club exploité par un particulier, a perdu sa vocation. Lux, l'autre salle qui a pris le nom d'En-Nasr, est fermée depuis plus de dix ans et demeure abandonnée elle aussi, au grand bonheur des rats. À Hammam Bou-Hadjar, même si l'ex-wali, Hocine Maâzouz, actuellement wali à Tizi Ouzou, a pu sauver l'une des trois salles de cinéma, Atlas ou Le Paris pour les nostalgiques et ce, à la faveur d'une réhabilitation qui a coûté la bagatelle de quatre millions de DA en lui offrant un habillage qui lui sied, les deux autres salles, que sont l'Empire et le Grillon avec sa terrasse de projection en plein air, son cafétéria et sa salle de jeux qui font partie du patrimoine de la commune, ont fait l'objet d'une dégradation (ce vocable est un euphémisme pour la dernière nommée, car faisant fonction de salle de judo, qui reste irrécupérable). Fort heureusement, la salle l'Empire, située en face d'une école historique démolie pour des raisons qui restent inconnues suite à une injonction du responsable citée plus haut, pourrait être sauvée. Aux dernières nouvelles, une délibération vient d'être votée par le conseil communal portant sur son affectation au profit du secteur de la culture. La même situation est vécue au niveau du chef-lieu de wilaya où les trois salles de cinéma citées plus haut attendent une hypothétique prise en charge par le secteur de la culture avec le préalable d'un désistement de la part de la commune qui reste incapable de procéder à leur réhabilitation et à leur gestion. Cependant, il ne s'agit nullement d'effectuer des travaux de réhabilitation qui coûteront au Trésor public des sommes colossales qui risquent de partir en fumée. Car, à quoi sert une salle de cinéma si celle-ci est dépourvue d'un appareil pour la projection de films en 16 mm ? Son fonctionnement se limitera donc aux regroupements dans le cadre des activités de partis politiques où, au mieux, à certaines pièces théâtrales lors de manifestations artistiques et culturelles au détriment de sa véritable vocation qui est celle de la projection de films sur écran géant.