Le Mouvement pour l'émancipation du delta du Niger (Mend), principal groupe armé du delta, a déclaré la guerre dans cette région du Nigeria. Tandis que ses groupuscules affrontent de nouveau l'armée, le Mend a réitéré son appel aux compagnies pétrolières pour qu'elles évacuent le delta du Niger décrété zone d'exclusion y compris aérienne pour les hélicoptères et hydravions des compagnies pétrolières. La semaine dernière, ces opposants au pouvoir fédéral avaient détourné le pétrolier et pris en otages ses quinze membres d'équipage. Ils avaient auparavant arraisonné un cargo, capturant un autre lot d'étrangers. Les événements du delta du Niger, champ pétrolifère et terminal de la production pétrolière du pays le plus peuplé d'Afrique, ne datent pas d'aujourd'hui. Le 7 août 2006, les partisans d'un mouvement dénommé les Bakassi Boys a déclaré l'indépendance de Bakassi, une région dans le delta frontalière du Cameroun. Ce mouvement avait l'appui d'Abuja, les chefs tribaux du delta le soutenant. Les Bakassi voulaient couper court aux revendications du Cameroun sur ce territoire également pétrolifère. Douala a d'ailleurs perçu dans cette rébellion sécessionniste un jeu des autorités nigérianes pour maintenir la confusion dans la région. Le 12 novembre 2007, la crise entre les deux pays a failli éclater avec l'assassinat de soldats camerounais à la frontière. Le Nigeria accusa les Bakassi Boys, sans pour autant mener une action à leur égard. Les Camerounais accusent aujourd'hui leur géant de voisin d'exporter son insécurité au Cameroun, d'autant que le président du Nigeria, Musa Umaru Yar'Adua, perçu par ses voisins comme un simple instrument de l'ex-général président Obasanjo lequel a toujours tenu rigueur au Cameroun, a tourné le dos à l'accord conclu entre les deux pays en 2007. En réalité, le Nigeria est malade de son pétrole. Le climat de violence dans le sud du pays perturbe l'activité des pétroliers et bien qu'il soit également à l'origine des poussées du prix du baril. Le Nigeria, avec en moyenne ses deux millions de barils/jour, soit environ 3% de la production mondiale, dépend très fortement de sa production dans le delta du Niger qui compte à lui seul plus de 80% des ressources pétrolières du pays. Mais les populations locales réclament, aujourd'hui plus que jamais, leur part du gâteau, voire leur indépendance. Après les Bakassi, les choses se corsent apparemment avec le Mend sur lequel le pouvoir d'Abuja n'a pas prise. Le Mend a d'ailleurs refusé, la semaine dernière, le plan de développement proposé par les autorités centrales, qui comporte notamment la création d'emplois et la construction d'un axe routier. Trop peu pour apaiser les esprits dans une région où les violences se multiplient. Paradoxalement, cette région du sud du Nigeria est une des plus pauvres du pays ! D'abord à cause des conséquences environnementales de l'exploitation pétrolifère qui a détruit l'activité agricole et l'écosystème exceptionnel du delta. Dégradation de environnement et installation du chômage alors que les compagnies de pétrole ont proliféré. La région qui ne bénéficie même pas de l'électricité ! Les seules infrastructures qui sont mises en place sont des installations pour faciliter l'exploitation du pétrole. Alors, les mouvements de protestation sévèrement réprimés par l'Etat se sont radicalisés pour donner naissance à des milices lourdement armées qui pillent le pétrole, face à une armée nigériane impuissante, en éventrant des pipelines, ou enlèvent des employés des firmes pétrolières comme le Mend le fait. Le delta du Niger est une véritable poudrière dans tout le sens du terme. L'avenir du Nigeria est incertain.