En 2007, plus de 11 000 milliards de dollars ont irrigué les circuits du commerce international hors hydrocarbures. Monoexportatrice, l'Algérie n'a eu qu'une part dérisoire de ce formidable magot, se trouvant reléguée au peu honorable 82e rang sur ce marché. C'est une faiblesse diagnostiquée par les gouvernements successifs mais qui persiste, tant les solutions tentées ne sont pas adaptées à l'enjeu. Il y va pourtant du sort de générations futures qui seront un jour confrontées à l'épuisement des réserves de pétrole et de gaz. Si donc les revenus actuels ne sont pas investis en vue de transformer l'économie nationale à l'heure où sonnera cette fatidique échéance, le pays sera confronté à une grave menace. Les potentialités pour effectuer ce saut ne font pourtant pas défaut. C'est le constat de la conférence “Internationalisation des entreprises algériennes” qui s'est tenue samedi à Paris à l'initiative du très dynamique Reage, le réseau des étudiants algériens des grandes écoles en France. À la tribune se sont succédé, Marc Martinant, chef du projet Optimexport pour faire l'état des lieux, Issad Rebrab, le président de Cevital, pour parler du secteur agroalimentaire, Marc Angel, cofondateur de l'Association European Outcoursing Association, Ahmed Lakhdari, DG d'Halkorb et Ali Kahlane, P-DG de Satlinkker pour évoquer l'externalisation et les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Slim Othmani, le DG des NCA et candidat à la présidence du FCE, était là pour présenter les conclusions. Premier groupe privé algérien avec un chiffre d'affaires de 2 milliards de dollars et plus de 8 000 salariés en 2008, le groupe Cevital est déjà présent à l'export. Il compte exporter pour 100 millions de dollars en 2009, un chiffre appelé à être quintuplé l'année suivante. Invité à répondre à la question : “Quelles sont les possibilités de développement et les opportunités à l'export dans le secteur agroalimentaire ?”, M. Rebrab a d'abord observé que “l'Algérie exportait beaucoup de choses”, avant de se replier à cause du choix de l'économie centralisée dicté par la volonté d'approvisionner en priorité le marché national. Lorsque les réformes ont été engagées et la libéralisation adoptée, le pays s'est malheureusement engagé dans le long tunnel de violences. “C'est à partir de maintenant que cela va progresser”, a parié avec optimisme M. Rebrab. Du point de vue de la réglementation, la loi sur la monnaie et le crédit (LMC) permet aux entreprises algériennes de se développer à l'international. Dans les faits, comme c'est souvent le cas, la loi se heurte à d'incroyables pesanteurs. Seule disposition mise en œuvre, la réutilisation à l'étranger d'une part de 10% sur le chiffre d'affaires réalisé à l'exportation. Pour Cevital, elle a permis le lancement de deux plates-formes logistiques en Espagne et en Italie qui devraient être suivies de deux autres en France et en Tunisie. Une démarche a été entreprise auprès de la Banque d'Algérie. M. Othmani a souhaité qu'elle soit concertée et M. Rebrab a répondu “d'accord pour unir nos forces”. Après avoir énuméré les expériences en cours de Cevital et présenté ses projets, le président du groupe a affirmé que l'exportation est à la portée des entreprises algériennes à condition de produire aux normes internationales. Cela passe par une amélioration du marketing, des capacités managériales — d'où l'université du groupe — le développement de la recherche qui nécessite de lourds investissements, la mise à niveau de la logistique encore très perfectible. Les atouts : la proximité du marché européen, une production à moindre coût à cause d'une énergie à bas prix qui donne à l'Algérie une longueur d'avance sur ses concurrents maghrébins, une mer souterraine dans le Sud qui va permettre le développement de l'agriculture saharienne. À titre d'illustration, l'Algérie peut devenir le premier producteur mondial d'huile d'olive et un grand exportateur de jus d'orange vers l'Europe actuellement servie par le Brésil et les Etats-Unis. La France consomme annuellement 3 milliards de jus d'orange et l'Allemagne 4,5 milliards. Approvisionnée par l'Algérie, le prix en serait moindre. Autre atout : la présence en Europe de très nombreux cadres d'origine algérienne. Ils seront un million en 2020, selon une projection de Fetah Ouezzani, président du Reage. M. Othmani a aussi insisté sur l'importance des ressources humaines, talon d'Achille des entreprises algériennes. Aider ces entreprises à aller à la conquête du marché international, c'est la mission d'OptimExport. Il faut d'abord corriger un cliché. L'exportation n'est pas l'apanage des grandes entreprises. Des PME peuvent bien trouver des niches où s'incruster. Pour M. Martinant, “les entreprises algériennes peuvent aller à l'international” parce qu'il y a déjà “un réseau industriel et artisanal bien structuré”. Il a présenté le programme Challenge qui a attiré 100 candidatures pour une sélection de 40 appelées à bénéficier d'un accompagnement personnalisé pendant deux ans. Autre axe de présence à l'international, l'outsourcing ou l'externationalisaton qui permet à une entreprise de déléguer une partie de ses activités non stratégiques à un partenaire qui possède l'expertise. Cela est surtout valable dans le domaine de l'informatique, la comptabilité, la gestion des ressources humaines et de la paie. C'est cette activité qui valu à l'Inde le nom de “bureau du monde” tant elle a attiré des activités externalisées de nombre de sociétés européennes ou américaines. En Algérie, il y a des frémissements. Mais gare à l'inflation salariale. A. O.