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“Les produits naturels sont de plus en plus recherchés pour une agriculture durable”
YAMINA MERZOUKI, AGRONOME, GERANTE D'UNE UNITE D'ETUDES ET DE CONSEILS AGRICOLES À ROUIBA, À “LIBERT
Publié dans Liberté le 09 - 06 - 2009

Selon un chercheur algérien établi aux Etats-Unis, dont les travaux d'études ont porté sur les Organismes génétiquement modifiés (OGM), il est impossible de se débarrasser des pesticides étant donné les besoins en productions agricoles et l'ampleur des superficies cultivées. Même si cela était possible, cela nécessiterait, selon le docteur Boukerrou, enseignant chercheur à l'université de Florida, des moyens considérables en matière de développement de nouvelles variétés de blé, par exemple, qui sont complètement différentes de celles que nous avons maintenant. Si on se débarrasse des pesticides, nous irons vers une réduction des rendements. Les OGM, cependant, permettront de réduire le nombre de pesticides utilisés à travers le monde. Par exemple, les OGM de maïs et de soja ont permis l'utilisation Round Up d'un herbicide de Monsanto qui contrôle toutes les mauvaises herbes. “Les OGM sont quelque chose de nouveau et nous ne connaissons pas leurs effets à long terme sur les humains”, ajoute notre interlocuteur. Autre inconvénient, les semences des plantes OGM coûteraient plus cher pénalisant ipso facto les petits agriculteurs. Spécialiste dans la protection des végétaux, Yamina Merzouki apporte, pour sa part, quelques éléments de réponse dans cet entretien.
Liberté : Vous travaillez dans le domaine de la protection des végétaux, pensez-vous que la fin des pesticides est proche ?
Yamina Merzouki : Oui, effectivement, dans un avenir très proche et ce, suite à l'utilisation accrue des pesticides chimiques dans le domaine de l'agriculture qui a contribué positivement à limiter les pertes dues aux ravageurs, maladies et mauvaises herbes sans se soucier de leurs effets négatifs sur l'environnement, comme la pollution de l'atmosphère (air, eau et sol), l'apparition des souches résistantes des insectes ravageurs, la phytotoxicité avec des effets de brûlures des feuilles et surtout l'accumulation et la concentration de ces produits dans différents organes et du cerveau des vertébrés et l'homme. La biodégradabilité de ces pesticides est très lente et ils ne sont pas sélectifs ; ils détruisent les insectes utiles et nuisibles d'où une perte de la biodiversité. Les pays développés élaborent un plan de réduction de l'usage des pesticides par le retrait des substances actives les plus préoccupantes du marché. Dans ce sens, on a introduit la lutte intégrée, qui est un procédé de lutte contre les organismes nuisibles, qui utilise un ensemble de méthodes satisfaisant les exigences à la fois économiques, écologiques et toxicologiques, en réservant la priorité à la mise en œuvre délibérée des éléments naturels de limitation et en respectant les seuils de tolérance selon l'OILB (Organisation internationale de lutte biologique). La lutte biologique par l'utilisation de bio-pesticides à base de substances naturelles et de micro-organismes, l'utilisation de prédateurs et de parasitoïdes et le suivi de la dynamique des populations d'insectes par la mise en place des pièges collants ou des supports munis d'appâts de phéromones qui servent à identifier ou détecter la présence d'un insecte ou repérer sa période optimale d'activité. Ils sont également utilisés pour engendrer la confusion sexuelle.
Il a tout d'abord été question de développer les biopesticides, mais à l'heure où l'on parle de sécurité alimentaire, ces derniers constituent-ils un réel substitut aux herbicides, fongicides et autres pesticides ?
Les pesticides biologiques sont des produits antiparasitaires à faible impact, utilisés en agriculture pour détruire les parasites et compétiteurs de l'activité considérée (champignons, insectes, bactéries, plantes adventices). Sous ce vocable, on regroupe des produits allant des substances minérales, comme le soufre, le sulfate de cuivre, le phosphate de fer, des substances organiques naturelles extraites de plantes, comme la pyréthrine, la roténone, la nicotine et les azadiractins, de phéromones (attractifs sexuels des insectes) et même de micro-organismes tels que les bactéries bacillus thuringiensis, les champignons beauveria bassiana, les virus et les nématodes. Les produits naturels sont de plus en plus recherchés pour une agriculture durable, le recours au monde végétal et aux molécules qui ont permis aux plantes de se protéger contre les ennemis naturels devient donc indispensable. À côté de molécules susceptibles d'avoir des actions insecticides, fongicides ou herbicides, les recherches récentes ont souligné les activités des composés végétaux dans les mécanismes de défense des plantes. Elles ont ouvert de nouveaux horizons en matière de stimulation des défenses des plantes ou de nouveaux procédés chimiques et biologiques d'ordre industriel pour valoriser ces molécules en tant que produits ou stratégies phytosanitaires. Ces avancées ont conduit à des réflexions sur leur réglementation et leur homologation qui s'inscrivent dans des perspectives renouvelées. Les solutions sont diverses et complexes et sont spécifiques à un agro-écosystème donné, la plupart des travaux de recherches sur ces biopesticides ont été menés dans les pays développés, ils constituent un réel substitut aux herbicides, fongicides et autres pesticides dans leur milieu. Toutefois, même si ces produits sont naturels, ils peuvent nuire à la santé et à la sécurité s'ils sont mal utilisés. Introduire un auxiliaire qui est un prédateur dans un agro-écosystème donné différent aux conditions locales, peut changer de comportement alimentaire en cas d'absence de ses proies. Il faudrait réaliser des études préalables approfondies concernant le cycle phénologique de la plante-hôte, le cycle biologique du ravageur ainsi qu'une étude écologique comportant entre autres l'inventaire de ses ennemis naturels.
Les chercheurs évoquent la possibilité effective d'utiliser les OGM en plus d'autres solutions comme la diversification des cultures, etc. en vue de proscrire l'utilisation des pesticides. Qu'en pensez-vous ?
Un OGM est une plante, un animal, virus, bactérie, unicellulaire ou pluricellulaire ou un micro-organisme dont on a transformé le patrimoine héréditaire afin de le doter de propriétés que la nature ne lui a pas attribuées, résultat obtenu par manipulation de l'acide désoxyribonucléique (ADN). Le génome a été modifié en laboratoire par insertion d'un ou plusieurs gènes homologues (de la même espèce) ou hétérologues (provenant d'une espèce différente). Les principales plantes cultivées (soja, maïs, coton, tabac…) ont des versions génétiquement modifiées, avec de nouvelles propriétés agricoles : résistance aux insectes, résistance à un herbicide, résistance accrue à la sècheresse, enrichissement en composants nutritifs.
Pour rendre une plante résistante à un insecte, un gène codant une protéine toxique pour cet insecte a été introduit dans le génome de la plante. Les gènes introduits proviennent de la bactérie bacillus thuringiensis, bien connue depuis longtemps pour ses propriétés insecticides et largement utilisée en agriculture biologique, ainsi que par les exploitants forestiers et les jardiniers.
Contrairement à un insecticide classique, que l'on utilise à des moments précis, la plante transgénique produit la toxine en continu, l'insecte peut développer progressivement une nouvelle résistance dans l'avenir. Pour rendre une plante résistante à un virus, on lui transfère une séquence d'ADN dérivée du virus. Le transgène peut intervenir dans différents processus, comme l'initiation de l'infection, la réplication du virus, l'extension de l'infection au sein de la plante et le développement des symptômes. Les plantes transgéniques ont pour but de mieux résister aux prédateurs ou aux parasites naturels, ce qui leur confère un avantage comparatif par rapport aux variétés naturelles locales et risque de conduire à la disparition de ces dernières et donc à un appauvrissement de la biodiversité. Cela est particulièrement grave, car ce sont ces variétés locales qui fournissent les ressources génétiques nécessaires pour améliorer les plantes cultivées, qui deviendraient sujettes aux nouvelles maladies. Signalons enfin le danger économique que représenterait la dépendance du monde agricole vis-à-vis d'une multinationale unique pour son approvisionnement en semences.
Si des plantes contenant ces vaccins sont disséminées dans la nature et transmettent leurs gènes à d'autres plantes ou animaux, des quantités très importantes de ces vaccins peuvent se retrouver dans la nature.
Les allergies alimentaires sont provoquées par les protéines, qui sont le produit d'expression des gènes. Introduire de nouveaux gènes dans un organisme, donc de nouvelles protéines, va accroître les risques d'allergie.
La capacité des plantes transgéniques à transférer par pollinisation le transgène vers une plante de la même espèce ou d'une espèce voisine est souvent évoquée. La réponse à cette interrogation varie suivant le type de gène introduit, les caractéristiques botaniques de l'espèce et la présence ou non d'espèces apparentées dans l'environnement proche. De leur création au laboratoire jusqu'à leur commercialisation, les plantes génétiquement modifiées sont soumises à un ensemble de démarches réglementaires. Plusieurs années d'évaluation sont donc encore nécessaires.
N. R.


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