Aux auteurs qui nous assènent des messages, il oppose la race des baladins qui nous fredonnent des confidences. Aux mémorialistes qui raclent le fond de leur mémoire, il préfère la suggestion des émotions passées. Avec son fameux visage d'un Algérien aguerri, avec ce génie très particulier qu'il a de faire renaître certaines traditions du bercail si nonchalantes que l'on ne trouve qu'une envie de les reprendre et de se laisser entraîner dans des histoires drôles et sensuelles qu'il fait naître d'une voix aussi vivace que le teint de sa fierté d'islamo-arabo-berbère, Redouane Maâchi, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a, sans nul doute, bien négocié ses ambitions pour reprendre le répertoire de son aîné, le chahid Ali Maâchi, auteur de l'impérissable chanson patriotique Laou tassalouni… biladi El Djazaïr. “En m'engageant dans ce répertoire qui s'illustre par pas moins de sept reprises de chansons du célèbre Ali, j'avais comme objectif de rappeler un nom, reconsidérer une mémoire, relater un parcours et rendre hommage à un artiste de talent disparu trop jeune, lâchement assassiné par des sauvages qui ont voulu par ce geste signifier non seulement l'exécution d'un militant de la résistance algérienne, mais l'éloignement d'un grand symbole qui incarne l'art musical, c'est-à-dire un symbole qui incarne l'un des aspects de la personnalité algérienne”, affirme le jeune Redouane. “Mon album est l'œuvre de mes propres efforts pour le moins que je suis encouragé par la troupe Safir Ettareb et l'édition El Besma de Tiaret que je remercie au passage. Sinon, je ne suis pas du genre à demander une quelconque aumône ou subvention de la part de quiconque”, devait-il préciser. Au demeurant, ce qui singularise cet album, c'est la confection mûrement réfléchie de sa jaquette sur laquelle “Algérie française” écrit avec le sang du martyr est remplacé par “Algérie algérienne”. Angham El Djazaïr (mélodies algériennes), Tahta essama'a El Djazaïr (sous le ciel d'Algérie), Tarik Wahran (la route d'Oran), Mazal aâlik enkhamem (je pense toujours à toi)… et autres morceaux. Redouane chante la partie avec sensation et affection et embellit le patrimoine musical algérien et tiaréti d'un recueil estampillé d'une personnalité qui fait sa particularité aujourd'hui. Il compose avec une miraculeuse délicatesse sur des signes qui ressemblent à des cordes de guitare qui vibrent, émeuvent et retournent au silence. Mine de rien, Redouane a ainsi écrit sur un mode mineur un air qui relève du répertoire patriotique en s'attelant à un agenda qui touche et qui intéresse toutes les couches de la société. Animé d'une modestie charmante et respectueuse, il nous prévient, entre les mots, que le souvenir est peut-être un faux, un instant rêvé, un décor, une fausse porte, un trompe-l'œil ou une vue de l'esprit. “Mon souhait le plus cher est de voir un jour les autorités du pays s'intéresser à retrouver la tombe de notre glorieux Ali dont le seul témoin est actuellement l'arbre auquel il était pendu en 1958. Mama Aouda, la mère du défunt qui dépasse le centenaire, ne doit pas mourir sans connaître là où est enterrée la dépouille de son fils aujourd'hui sacrifié sur l'autel de l'indifférence sinon que cette date du 8 juin qu'on lui a attribuée”, conclut Redouane Maâchi.