Permettez-moi, Monsieur le président de la République, de m'adresser à vous et de vous demander de bien vouloir intervenir dans l'examen de ma demande d'indemnisation. Cette demande intervient après de lourdes et pénibles souffrances endurées tant sur le plan moral que matériel, pendant ma détention préventive. En se référant aux dispositions de l'article 137 bis 4 du code de procédures pénales, la commission d'indemnisation a estimé que la demande en question a été introduite en dehors des délais, ce qui lui a permis de conclure à son rejet en la forme, sans en examiner le fond. Le procureur général près la Cour suprême, que j'ai saisi en sa qualité de représentant du ministère public, m'a répondu dans le même sens. N'ayant trouvé aucun répondant, je me tourne vers vous pour vous affirmer nettement et sans détours que, malheureusement, la justice me paraît défaillante dans cette affaire sur le plan moral et humain, et ce quelle que soit la teneur des textes en vigueur. J'estime qu'il est anormal qu'on arrête quelqu'un à son lieu de travail, qu'on le jette en prison, qu'on le malmène pendant près de 3 ans et le déclarer par la suite innocent puis le relâcher, sans aucune réparation des préjudices subis. Avant que la décision de mon acquittement ne devienne définitive, il fallait attendre que la Cour suprême statue sur le pourvoi en cassation introduit par le procureur général de la cour. Cet arrêt est rendu, mais la notification n'a pas eu lieu. J'avais pourtant signalé l'absence de notification dans ma demande d'indemnisation déposée au secrétariat de la commission. N'ayant pas initié cette action, je ne pouvais connaître le sort qui lui est réservé jusqu'à sa notification par le greffe. De plus, le code de procédures pénales le précise amplement (article 522 alinéa 3). C'est à se demander pourquoi la Cour suprême ne fait pas respecter la loi qu'elle est censée défendre et appliquer ? la détention abusive reste une atteinte aux droits de l'homme qui sont intangibles et inaliénables. On n'a donc pas besoin de délai pour obtenir leur réparation. De toute façon, la réparation de ces droits ne s'accommodera jamais avec l'horrible et cruel préjudice subi. Le législateur algérien n'est pas porté sur la réparation matérielle de l'injustice. Il craint la multiplication de la détention préventive qui conduirait finalement à des “non-lieux”. Un constat très superficiel et simpliste qui ne fait que douter des capacités de ceux qui sont appelés à rendre justice. Je comprends par là qu'il s'agit d'une manière de douter injustement de nos magistrats ? Cet avis, d'ailleurs partagé par nos éminents juristes, continue de nourrir et de maintenir des hésitations dans la mise en place d'une procédure où il n'y a aura plus de place à la fourberie. En cet effet et à défaut d'activer la mise en place d'une solution acceptable par tous, on a choisi de pénaliser les victimes en refusant de leur accorder systématiquement des réparations qui, au lieu de constituer un remède, les sanctionne une nouvelle fois en leur infligeant une injustice de plus. Permettez-moi de porter à votre connaissance, Monsieur le Président, que le 21 avril 2007, la cour criminelle de Batna a rendu un arrêt prononçant mon acquittement après plus de 12 années de poursuites et procédures. Dont 6 pourvois en cassation auprès de la Cour suprême et 34 mois et demi de détention et d'incarcération abusives, devenues arbitraires par la force des choses. En fait, il s'agissait d'une affaire appelée “dilapidation de deniers publics” relative au recouvrement interbancaire de chèques qui avaient mis un certains temps pour être retournés impayés à l'agence émettrice. Sur plainte du banquier correspondant et estimant qu'il y avait retard dans leur traitement, j'avais ordonné à l'agence, placée sous ma hiérarchie, de procéder à leur paiement à découvert au profit de la dite banque agissant pour le compte d'une société nationale. Quelques années plus tard et pour lutter contre les retards dans le règlement des chèques, on a instauré le système de télécompensation qui fonctionne à la mesure des moyens en place. J'avais les charges de directeur régional d'une banque publique qui, faut-il le rappeler, n'avait pas déposé plainte à mon encontre, considérant qu'il s'agissait d'une opération dont le risque est mesuré. En effet, le client a fini par couvrir la totalité du montant accordé (8 700 000 DA) ; en vérité, ce n'était qu'une opération d'exploitation bancaire, un acte anodin, diront les gens du métier. Le procureur général de la cour de Batna interjette appelle de la décision rendue par la cour criminelle de Batna. La Cour suprême rend son arrêt le 19 mars 2008 confirmant ainsi celui de la cour de Batna (acquittement). C'est précisément à cette date du 19 mars 2008 que la décision de mon acquittement devint définitive. C'est aussi à partir de cette date que les 6 mois de délai de dépôt de la demande d'indemnisation commencent à courir, conformément aux dispositions de l'article 137 bis 4 du code de procédures pénales qui stipule : “La commission est saisie dans un délai de 6 mois à compter de la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.” Il appartenait au greffe de la Cour suprême de me notifier la décision du 19 mars 2008 comme l'indique l'article 522 alinéa 3 du code de procédures pénales : les décisions de la Cour suprême sont notifiées par les soins du greffier et par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux personnes parties au procès et à leurs avocats. Mais, hélas, la notification n'a pas eu lieu. Ma requête fut tout de même déposée auprès du secrétariat de la commission d'indemnisation, le 7 octobre 2008. Ce qui en théorie me met en situation de dépassement de 18 jours sur le délai de 6 mois, sachant même au passage que nous sommes en présence de droits intangibles et inaliénables (pas besoin de délai pour être rétabli dans ses droits), le 10 mars 2009, la commission d'indemnisation rend son verdict en application de l'article 137 bis 4 du code de procédures pénales : requête rejetée au motif de délai dépassé, alors que la cause du retard est liée à l'absence de notification. Ce qui me paraît être encore une fois une grave faute professionnelle. Est-ce un fait isolé, une omission ? En conséquence, je souhaiterais que la commission d'indemnisation réexamine mon dossier afin de réparer les préjudices subis sur le plan moral et matériel particulièrement. M. Berkane Ahmed Cité Mimosa, Bt K n° 282 - Staouéli-Alger