Personne ne peut négliger la présence historique dans la littérature arabe moderne d'une autre grande plume, en l'occurrence Mikhaïl Nouémeh (1889-1988), ami de Khalil Gibran et maître du livre Mirdad, et son influence sur des générations successives de littérateurs arabes de tous bords. Ces groupes d'intellectuels arabes chrétiens maronites, qui détenaient le génie culturel et littéraire, ont arabisé, au début du XVIe siècle, l'imprimerie à caractères latins ; ainsi la culture arabe passe d'un air historique marqué par l'oralité à un autre celui de l'écrit. Grâce à ces écrivains chrétiens, nous avons aimé la langue arabe. L'arabe forgé par eux était à l'heure du temps, en contact et en effleurement avec les autres langues telles que le français, l'anglais, le portugais du Brésil et l'espagnol d'Amérique latine. Ainsi, la diaspora littéraire arabe chrétienne installée en Amérique du Sud comme au Nord a créé, pour redynamiser la langue et la création dans et pour cette langue, des associations littéraires qui se sont transformées en vraies écoles ou courants littéraires modernes. “La ligue plumière” (Arrabita Al Kalamiya), fondée en 1920 dont le président n'était que Khalil Gibran entouré des plus grands écrivains de l'époque (Mikhaïl Nouaymeh, Elia Abou Madhi, Nacib Aridha, Rachid Ayyoub, Abdelmassih Haddad et d'autres), l'Association “Apollo”, créée par un autre grand écrivain Amin Al-Rayhany, et puis “le groupe d'Andalousie” (Al-Ousba Al-Andaloussia), créé par un groupe d'écrivains tels Michel Maalouf, Fawzi Maalouf, Rachid Salim Khouri, Elias Ferhat… Toute cette diaspora arabe chrétienne ne cherchait qu'à moderniser l'arabe et sa littérature. Nous considérons la modernité intellectuelle et littéraire arabe comme le fruit, en grande partie, du travail créatif fourni par l'intelligentsia arabe chrétienne. Grâce aux premiers écrits de ces intellectuels, la poésie arabe s'est libérée du traditionalisme, et la prose s'est débarrassée de la monotonie et de la rhétorique phraséologique. C'est cette intelligentsia arabe chrétienne de “Bilad Achcham” (Syrie, Liban et Palestine) qui a libéré la culture arabe du égypto-centrisme. Aujourd'hui, si nous voulons établir un bilan de la renaissance arabe intellectuelle, l'effort fourni par les intellectuels arabes chrétiens est très visible, éprouvé et valeureux, mais malheureusement on ignore ou on minimise souvent son apport à la nouvelle culture arabe. A. Z. ([email protected])