Un homme âgé de 57 ans, propriétaire d'un des 4 véhicules, une Renault 19, volés par les terroristes revient péniblement sur l'attentat de Mansoura dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj. Nous l'avons rencontré alors qu'il était toujours sous le choc, 72 heures après avoir vécu un cauchemar qu'il n'est pas prêt d'oublier. Il arrive difficilement à décrire la scène qu'il a vécue un mercredi soir sur la RN5. Les yeux grands ouverts, fixant l'horizon, il débite, avec un rythme accéléré, des mots souvent inintelligibles comme s'il avait envie de vider son sac et le plus rapidement possible pour en finir avec la hantise de perdre sa mère, une vieille, qui s'est évanouie durant l'attaque. C'est un témoignage poignant, empreint d'émotion. “C'était beaucoup plus qu'un accrochage, une lâche embuscade. Je rentrais à la maison, accompagné de ma mère et de mon petit fils. J'allais faire un dépassement quand j'ai entendu, devant le premier coup de feu tiré du haut du talus. Puis, une grande déflagration a retenti derrière moi. Une roquette, lancée probablement d'un RPG7 tenu par un terroriste posté derrière nous sur une colline ou un pic, venait de toucher de plein fouet un véhicule de gendarmes. La Toyota prend feu. Une minute après, peut-être plus, peut-être moins, une dizaine de terroristes quittèrent leur refuge au-dessus de la route pour investir la chaussée en déversant un déluge de feu sur les gendarmes qui se mirent eux aussi à tirer. Quelques mètres plus loin, je me suis résigné à m'arrêter au milieu de la route comme paralysé par la peur d'être touché par une balle ou peut-être parce que je ne pouvais plus avancer, cela s'est déroulé tellement vite ! J'ai essayé, avec le peu de force qui me restait, d'extraire ma mère du véhicule, mais comme elle était forte, son pied s'est coincé”, dit-il. Et de poursuivre : “Un des terroristes aux aguets me cria de reprendre le volant pour m'éloigner de lieux. Une fois dans la voiture, en redressant ma mère sur son siège, je la découvre évanouie. Pour sortir de cet enfer, je devais passer devant les terroristes. L'un d'eux m'arrêta pour me demander de lui remettre les clés de la voiture. Est-ce que tu sais qui nous sommes, m'interrogea-t-il, avant de continuer : nous sommes Al-Qaïda, est-ce que vous connaissez l'organisation d'Oussama Ben Laden ?” Le rescapé continue son récit en affirmant qu'après lui avoir subtilisé les clefs, les terroristes se dirigeront vers le chauffeur d'un camion lui intimant l'ordre de mettre son engin en travers de la chaussée. Pendant ce temps, les tirs et détonations n'ont pas cessé. “Entre-temps, j'ai pu délivrer ma mère de son état d'inconscience du véhicule. Avec mon petit enfant, tous les trois, nous avons continué à marcher… Une fois loin d'eux, nous avons rencontré un chauffeur de camion qui nous a fait monter dans sa cabine où se trouvait une des victimes, un brûlé au bras”, ajoute-t-il. Comment se sont comportés les gendarmes ? “Les gendarmes ont eu la Chahada avec bravoure. Ils n'ont pas cessé de tirer jusqu'à l'ultime heure. Leur riposte fut farouche bien qu'ils fussent désavantagés par le relief du site et l'effet de surprise. Ils se sont battus jusqu'à la Chahada. À la vue des premiers blessés, nous avons pensé que nous allions tous rester là, ce fut un enfer. Un de ces jeunes gendarmes, malgré sa blessure mortelle et sa douleur, n'a pas cessé de nous demander, puisant dans ce qu'il lui restait de force pour le crier haut et fort, de s'allonger par terre et fuir en rampant. Avez-vous eu peur ? Oui, comme tout être humain qui a peur des bêtes”, conclut-il.