Ces derniers sont directement impliqués dans le monde des sodas, mais ils ne sont pas les seuls à en tirer profit. En effet, les professionnels de la publicité rivalisent de génie et d'idées les plus saugrenues parfois, pour donner envie de se diriger directement vers une consommation démesurée de cette boisson, à la fois, si bonne au goût et néfaste à la santé. Gazouza antique Ses origines remontent très loin dans le temps. Le terme limonade vient de limon, fruit du limonier. La limonade, non gazeuse, est parmi les plus anciennes boissons commercialisées, vers le XVIIe siècle. À Paris, en 1676, une entreprise appelée la Compagnie de Limonadiers a été formée et a accordé des droits de monopole pour vendre la limonade. La vente s'effectuait dans des tasses à partir d'une citerne adossée aux marchands appelés limonadiers. On l'a retrouvée un peu partout dans le monde. D'abord aux Etats-Unis, Turquie, Canada, Danemark, puis au Royaume-Uni, l'Australie, la Suisse, la Nouvelle-Zélande, l'Inde, l'Irlande et bien entendu en Algérie également depuis la très lointaine année de 1878, quand Hamoud fit construire la première usine de son entreprise. Le 9 août 1889, le nom Hamoud, (le nom seulement) pour la limonade est déposé. La boisson Hamoud est présentée à l'Exposition universelle à Paris en 1889 (classement hors concours). Ce n'était qu'un début. Au total, la marque a remporté plus de 20 médailles d'or dans diverses expositions. Quand Hamoud Boualem décroche 20 médailles d'or En 1924, le petit-fils de Youssef, Boualem Hamoud, donne son nom à l'entreprise (marque déposée). Pendant la Seconde Guerre mondiale, les débarquements Alliés en Algérie amènent de la concurrence à la marque, qui doit, dès lors, partager le marché avec les marques américaines, comme Coca-Cola. Autres temps, autres mœurs mais les mêmes concurrents se retrouvent. Lors de la décennie 90, avec l'ouverture à l'économie de marché, des plus prestigieuses marques internationales de limonades se sont laissées tenter par le marché algérien. Coca-Cola d'abord, puis Pepsi-Cola juste après sont venues taquiner Hamoud Boualem sur son propre terrain. Une véritable bataille marketing s'était engagée ! À qui mieux, mieux, en termes d'offres commerciales et de slogans publicitaires. Si pour les limonadiers venus d'ailleurs, la culture de la communication était bien établie et rodée, ce n'était guère le cas pour le fabricant local. Tout était à faire. Après un long round d'observation, fait d'approches et d'enseignements, ce qui pouvait paraître la raison suffisante pour une sortie de route, comme ce fut le cas partout dans le monde, pour les marques de limonade locales, notre limonadier national a non seulement tenu bon, mais il a surtout trouvé en ses concurrents, l'émulation nécessaire pour se booster davantage et se hisser vers le haut, atteignant un standard international de management. Une mue qui se devait de passer par une transformation quasi radicale. Amélioration de l'emballage, du conditionnement, du bouchon, un meilleur design et un plan de communication à l'appui, la marque se relooke, maintient ses tarifs à hauteur de ses concurrents et surtout varie la gamme de ses produits, dont il est le seul à en connaître le secret. Ça bulle Au bonheur des consommateurs, les rivaux du soda passent à la vitesse supérieure en sortant le grand jeu. Offres multiples, jeux, tirages au sort, mécénat, toute une panoplie “spécial marketing” est mise en branle pour charmer la clientèle algérienne. Qui ne se rappelle de la collection des dix bouchons dorés qui ornaient les bouteilles en plastique des produits Coca-Cola ? Ou encore les opérations portant sur les 500 caméscopes numériques et les 2 voitures grand standing ! Tout avait été fait pour toucher l'ensemble de la famille. Parallèlement à ces actions, Pepsi-Cola lance un programme de distribution de produits promotionnels assez agressif, basé sur une politique de communication par un rapprochement de la marque et de ses consommateurs, conjuguée à une meilleure adaptation des besoins par des touches d'authentification purement algériennes. À l'exemple de l'opération Bolal réalisée tout au long de l'année, en plus d'opérations de publicité par des évènements locaux. Selon leurs révélations, rapportées il y a deux exercices, le coût des opérations de marketing se chiffraient à plusieurs millions de dollars l'an. Ingrédients de taille Pour justifier sa réussite, un limonadier explique le pourquoi et le comment de l'engouement incroyable généré sur un produit aussi basique, pourtant tombé en désuétude ! Au départ, il y a un produit fantastique avec une recette unique : une eau de source filtrée par le grès des Vosges, du sucre extra raffiné d'Erstein, enfin une véritable essence de citron en provenance de la Côte-d'Azur. Et puis, il y a l'histoire du produit, ses racines, une vraie légende à raconter : bref, tout pour faire de Lorina (sa marque) une grande marque universelle. Mais, il manquait à la recette deux petits ingrédients : le marketing et la communication pour le faire savoir et exposer le produit à sa clientèle. Faut y croire À la question de savoir comment une petite entreprise, au départ inconnue peut-elle ainsi attirer les meilleurs ? Jean-Pierre Barjon, aujourd'hui jeune ambitieux patron de Lorina, lève le voile sur sa recette. “J'ai tout de suite voulu animer une fantastique chaîne d'amitié et de talents autour de mon projet. Tout seul, il n'y a pas d'aventure. Des publicitaires et des directeurs artistiques de renom ont accepté de travailler sans honoraires pendant des mois pour m'aider à définir et exprimer le concept. Ils me recevaient le soir et le week-end. Pour repenser le design du produit, nous avons fait appel à l'école d'art graphique Penningen, en lançant un grand concours pour les étudiants de 4e année. Nous avons ainsi pu choisir entre 36 projets différents. Il y avait pour toutes ces personnes une grande idée à défendre, leurs propres talents à exprimer et pas d'enjeu d'argent. Le pay back est venu avec le succès. Frédéric Gadessaude, le directeur artistique qui m'a soutenu depuis le début, a créé aujourd'hui son agence de publicité et Lorina est toujours son premier client. Aujourd'hui encore, des personnes remarquables veulent de près ou de loin apporter leur contribution”. Patrick Mercier cite le cas Lorina dans son livre Do more with less et nous conseille pour optimiser notre communication. “Il paraît que l'argent va à l'argent, mais je crois pouvoir dire que sans argent, le talent va au talent. Si dès le début, vous êtes animé par un rêve et par la rage d'y arriver, vous trouvez presque naturellement sur votre chemin les femmes et les hommes qui veulent que ce rêve se réalise”. À méditer autour d'une bonne gazouza ! R. L.