Le colloque international consacré à “l'entreprise coloniale et les luttes de libération en Afrique”, qui se tient au Palais de la culture depuis le 13 juillet dernier et qui s'achèvera aujourd'hui, a réussi le pari de “revisiter” sereinement la période de la colonisation. Cette étape est surtout destinée à mieux saisir les mobiles des “crimes” commis et des divisions conçues par le colonisateur à l'endroit des populations autochtones, pour préserver “la mémoire historique” du peuple africain et ouvrir de nouvelles perspectives, à la lumière des questions nouvelles qui se posent un demi-siècle après le début de la décolonisation. Un processus qui, de l'avis de Zakaria Dramani-Issifou, n'est pas encore parachevé. Pour ce Béninois, outre les expressions de “patriotisme d'un autre âge”, le déni de responsabilités historiques, la promulgation de la loi française du 23 février 2005, le discours prononcé le 26 juillet 2006 à Dakar par le président Nicolas Sarkozy et l'occupation, depuis 1975, de la RASD (République sahraouie) par le Maroc, en sont des preuves éloquentes. Intervenant notamment sur la problématique du néocolonialisme, Philippe Ibaka Sangu de l'université de Kinshasa (RDC) a prévenu que “le continent noir est de nos jours la réserve sûre en ressources des Occidentaux”. Il a également noté que comme dans le passé, “les oppositions, les conflits internes et autres querelles sont entretenus au détriment des autochtones”. Tout aussi explicite que l'intervenant précédent, l'universitaire sénégalais Tamsir Niane Djibril a déploré le “triste constat”, soutenant que 5 décennies d'indépendance “n'ont pas restitué aux Africains leur dignité et la maîtrise de leur destin, tellement les commotions du séisme de la conquête et de la colonisation perdurent”. Avant d'appeler à la “refondation” de l'Afrique. Hier, en marge des travaux, le président de l'Association des familles de prisonniers et de disparus sahraouis (Afapredesa), Omar Abdeslam, a exprimé sa satisfaction devant l'intérêt porté par les participants africains à la question du Sahara occidental et au droit à l'autodétermination et à l'indépendance. Il a par ailleurs révélé qu'en 2008, les bénéfices tirés de l'exploitation de la pêche et du phosphate, dans les territoires sahraouis sous occupation marocaine, s'élèvent à quelque 6 milliards d'euros, soit l'équivalent de 300 années d'aides aux réfugiés sahraouis. Pour M. Abdeslam, la position inconditionnelle de la France vis-à-vis du Maroc est étroitement liée aux enjeux économiques. La veille, ce dernier avait évoqué, dans son intervention, le drame du peuple sahraoui qui, précisera-t-il, est toujours d'actualité, en raison de la poursuite des détentions arbitraires, des jugements injustes et des disparitions forcées. Le militant des droits de l'homme sahraoui a profité de la tribune qui lui était offerte, pour lancer un appel en faveur d'une campagne africaine visant à mettre fin à la colonisation étrangère dans l'ancienne colonie espagnole. Il y a lieu de souligner que bon nombre de participants ont applaudi cette rencontre scientifique et le choix du thème. D'aucuns ont même déclaré que la visite du passé permettra de tirer les leçons et appréhender les actions menées actuellement par les ex-puissances occidentales, qui continuent à exploiter et à diviser les populations africaines. D'autres, en revanche, ont abordé les missions, anciennes et nouvelles, des mouvements de libération nationale qui, à l'exemple du Front Polisario, sont confrontés aujourd'hui non seulement aux problèmes posés par la lutte de libération, mais également aux défis que connaissent les pays indépendants, comme la globalisation, l'émigration et les questions de sécurité. Hafida Ameyar