Hier matin, à l'auditorium du Palais de la culture, les travaux du colloque international portant sur l'entreprise coloniale et les luttes de libération en Afrique se sont ouverts, en présence de la ministre de la Culture, Khalida Toumi, qui a, dans son allocution d'ouverture, proposé l'institutionnalisation de ce colloque. Organisé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (Cnrpah), le colloque international sur les entreprises coloniales et les luttes de libération en Afrique s'est ouvert hier matin au Palais de la culture Moufdi-Zakaria — après des heures interminables d'attente — et se poursuivra jusqu'au 16 juillet prochain. Articulé autour de six axes : “Acteurs et témoins”, “Sur l'Histoire de l'Afrique”, “Pénétration territoriale et partage colonial du continent”, “Les différents types de colonisation et les formes d'exploitation et de résistance des populations”, “La fin du statu quo et l'émergence des mouvements nationaux”, “Les différentes voies d'accès aux indépendances nationales et les guerres de libération nationale”, et “Colonisation, libération et après ?”, d'éminents chercheurs et historiens ainsi que des symboles dans les luttes africaines de libération prendront part à ce colloque à travers différentes communications. Lors de prise de parole, le président du comité scientifique du colloque, le pr Hassan Remaoui, a rappelé les objectifs de ce colloque : “En fait, il tend à faire le point et à dépasser les études cloisonnées et locales.” De son côté, la ministre de la culture a proposé d'institutionnaliser ce colloque, tout en insistant sur la nécessité de réfléchir à un avenir commun. Elle a ajouté : “Il est nécessaire d'écrire notre avenir et de s'aider afin d'élaborer nos choix pour relever les défis de l'avenir. Il n'y a pas de présent et d'avenir pour celui qui n'a pas de mémoire ; et ce n'est pas moi qui vais vous apprendre que l'Afrique a été le continent le plus affecté par la colonisation. Et ce n'est pas fini ! Nous savons tous que le continent n'est pas libéré tant que le Sahara occidental demeure colonisé.” Mme Toumi a été également savoureusement virulente envers la thèse sur les bienfaits de la colonisation en affirmant : “La colonisation n'est pas comme il plaît à certains de l'interpréter comme étant un processus de civilisation. Le colonialisme a été une opération de destruction armée des liens socioculturels des pays colonisés. Ce colloque se tient dans un contexte particulier de révisionnisme historique ; et parce que nous souhaitons aussi une alternative à la thèse de mission civilisatrice.” Place ensuite à la séance inaugurale présidée par la vice-présidente du Conseil de la nation, Zohra Drif Bitat. Des applaudissements, des remerciements, quelques mots et sans transition, Salim Ahmed Salim, le secrétaire général tanzanien de l'Oua entre 1989 et 2001, prend la parole. Bien qu'il n'ait pas préparé préalablement une communication, M. Salim s'est déclaré reconnaissant pour l'invitation, tout en rappelant le rôle de l'Algérie dans les luttes de libération, et son impact sur le reste du monde. “L'Algérie a eu un grand rôle dans l'émancipation des peuples et les luttes pour les indépendances. Mais notre rôle aujourd'hui est de sensibiliser la jeune génération, car il faut qu'elle comprenne toutes nos souffrances et nos sacrifices ; et rappelons-nous que le Sahara occidental demeure encore colonisé. Nous nous devons de connaître notre histoire, non pas pour en être prisonnier, mais pour comprendre”, appuie-t-il. Le ministre de la Culture namibien a également pris la parole dans cette séance inaugurale, en rappelant le soutien de l'Algérie au niveau des politiques adaptées au sein de l'Oua. L'intervention du “Serial plaideur”, Jacques Vergès, a porté sur l'histoire du colonialisme et ses différentes entreprises, notamment la torture. Son postulat démarre du XIXe siècle pour aboutir à nos jours, mais Jacques Vergès appuie surtout la thèse suivante : le régime nazi est un disciple du processus de colonisation entrepris notamment par les deux grands empires coloniaux qu'ont été la France et l'Angleterre. S'attardant sur la torture, M. Vergès a révélé que “les partisans de l'hégémonie justifient leurs crimes par deux procédures : le droit d'ingérence ou le devoir d'ingérence, et les crimes contre l'humanité”. Selon lui, “la Cour pénale internationale (CPI) n'applique ses lois que sur le Congo, le Soudan, la République centrafricaine, mais qu'en est-il de Gaza, de Guantanamo ou encore d'Abou Ghraïb en Irak ?” De son côté, l'ancienne ministre de la Culture malienne, Aminata Traoré qui, dans son essai L'Afrique Humilié — (réédité en Algérie aux éditions Casbah et préfacé par l'écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane), écrit en réaction au discours à Dakar, en 2007 du président français Nicholas Sarkozy — dénonce la responsabilité de la France et de la mondialisation libérale dans les crises que connaît interminablement l'Afrique. Mme Traoré a d'abord salué l'organisation de ce colloque qui s'inscrit au cœur de l'actualité. “Le continent n'est pas pauvre, il a surtout été humilié et pillé. La crise du capitalisme mondial est surtout une crise morale et politique, dont on ne parle pas assez. J'ai compris qu'il n'y avait pas d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne, un monde cynique et compartimenté, il y a un Sud-global, qui inclut l'Amérique latine notamment, et qui a eu en partage le souvenir d'un passé”, affirme Aminata Traoré. Elle a également annoncé que “nous assistions actuellement à un esclavage d'un type nouveau qui permet à certaines multinationales de profiter des richesses de l'Afrique et de veiller à leurs intérêts à travers les démocraties”. Le paradigme du développement, qui a été imposé à l'Afrique et qu'elle semble endosser, doit être reconsidéré. Le défi qui attend l'Afrique : se reconstruire et aller vers la modernité, doit impérativement passer par une volonté politique et une union de tous les pays du Sud-global. Sara Kharfi