Le Palais de la culture a accueilli pendant deux jours un colloque portant sur les peuples africains et la colonisation. Les questions liées à la pénétration coloniale et le tracé des frontières ont été évoquées par les participants, mardi au 2e jour du Colloque international sur «l'entreprise coloniale et luttes de libération en Afrique» organisé par le Centre national des recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques. C'est ainsi que l'historien tunisien, enseignant à l'université de La Manouba (Tunis), M.Mejiri Lazhar, a souligné dans son intervention intitulée «Frontières et questions de transhumance: le cas des tribus algéro-tunisiennes sous l'occupation françaises au XIXe siècle», que le tracé des frontières hérité de la colonisation découlait d'une «logique sécuritaire» chez l'occupant. «Le nouveau tracé imposé aux deux Régences n'était en fait que le modèle pensé et élaboré dans la métropole et transféré aux colonies», a-t-il affirmé. Il a rappelé, dans ce cadre, que les beys de Tunis et les deys d'Alger avaient trouvé des «arrangements» à cette question litigieuse, en 1641 et en 1628. M.Mejeri a souligné dans ce contexte que «la société tribale du Sud-Ouest tunisien ainsi que celle du Sud-Est algérien vivait depuis des temps ancestraux dans un rapport de complémentarité et de relation d'interdépendance». «Cet équilibre socio-spacial se trouve sérieusement entamé. La transhumance, un mode de vie vital pour des pasteurs nomades et semi-nomades, est profondément perturbée», a-t-il encore relevé. De son côté, l'universitaire Zambienne, Mme Wells Julia, qui a étudié la question de l'avènement des frontières dans la région de Zuuveld, en Afrique du Sud, a expliqué que l'apparition des frontières dans cette région a commencé avec l'arrivée des premiers colons allemands en 1652. Il y a eu selon elle une première phase d'entente entre ces colons et les autochtones, avant que des conflits n'apparaissent avec les velléités de contrôler la rivière de Fish. «Les conflits ont également fait surface en raison de la volonté des colons de contrôler les terres et les pâturages», a-t-elle encore expliqué. L'arrivée des Britanniques, a souligné cette enseignante à l'université de Zambie, n'a pas dérogé aux pratiques initiées par les colons allemands, à savoir la mainmise sur les terres et la consécration de l'esclavagisme, avec l'introduction de l'église chez les indigènes. Par la suite, plusieurs conflits armés avaient éclaté entre les colons et les indigènes entre 1770 et 1800, avant l'avènement de l'Accord de Kat River pour le tracé des frontières. L'universitaire ivoirien, Sohi Blesson Florent, chercheur à l'université d'Abidjan, a examiné la question des «échanges pré-coloniaux en Afrique noire et les stratégies de pénétration économique coloniale: le cas de la transformation des circuits commerciaux traditionnels de l'Ouest forestier ivoirien». Tout en estimant que la thématique des frontières est encore «chaude» dans les pays anciennement colonisés, il affirmé que «l'étude de ce cas micro-historique permet d'affirmer que les frontières sont imposées et qu'elles sont absurdes». «Il s'agit de tracés imposés à des sociétés sous domination», a-t-il relevé, ajoutant que «17% des frontières dans les anciennes colonies à travers le monde ont été imposées par la France». La matinée de la 2e journée de ce colloque qui poursuivra ses travaux jusqu'à jeudi 15 juillet, a été consacrée au thème relatif à «la colonisation mercantiliste et la traite des esclaves.» C'est ainsi que Mme Toyeye de l'université de Kinshasa (Congo) a souligné dans sa communication que «la traite au XVIe siècle a donné naissance à une bourgeoisie commerciale africaine et des intermédiaires locaux».