Le prêche du vendredi, mené par l'ancien président iranien Rafsandjani à l'université de Téhéran, a réuni des dizaines de milliers de personnes et s'est transformé en manifestation en faveur du candidat malheureux à l'élection présidentielle, Moussavi, présent sur les lieux et qui continue de réclamer la victoire. Rafsandjani, qui a fait campagne pour le réformateur Moussavi, est un personnage très influent dans les sphères politiques et religieuses iraniennes. Il a évolué dans le sillage de l'ayatollah Khomeiny et a occupé des fonctions importantes avant d'être élu par deux fois, en 1989 et en 1993, à la présidence de la République islamique. Ali Khamenei, actuel guide de la révolution, lui doit en grande partie sa désignation à ce poste prestigieux dans la hiérarchie des institutions iraniennes. Le scrutin du 12 juin a séparé les deux hommes, pourtant très proches, l'un soutenant le réformateur Moussavi et l'autre le président sortant Ahmadinejad dont il a officialisé la victoire malgré les fortes contestations de ses adversaire et de la rue iranienne. Depuis la tenue du scrutin et l'annonce des résultats officiels, la contestation n'a cessé de s'exprimer en dépit d'une répression féroce et d'une restriction drastique des libertés. C'est la première fois depuis le 12 juin que l'ancien président Rafsandjani s'exprime publiquement sur le sujet et c'est la première fois également que Moussavi se rend à un prêche du vendredi. Avant le prêche tant attendu, le candidat malheureux a pris la parole et a violemment critiqué Ahmadinejad et ceux qui l'ont aidé à lui voler ce qu'il considère comme sa victoire. Rafsandjani n'a pas été tendre non plus dans ses propos. En tout cas, il s'est clairement positionné en faveur d'une reconsidération des résultats officiels, estimant que le “doute” s'est installé au sujet de leur réalité et qu'un peuple qui doute ne peut donner sa confiance au gouvernement. Il reconnaît que l'Iran est en état de crise, mais assure que les voies et moyens d'en sortir existent, sans en dire davantage sur le sujet. Davantage que le président Ahmadinejad qui est un vieil ennemi puisque les deux hommes étaient opposés déjà à l'occasion du scrutin présidentiel de 2005, c'est l'ami et le tout-puissant guide de la révolution, Khamenei, que Rafsandjani a défié en mettant en cause son attitude et ses décisions dans cette affaire. Rafsandjani a aussi appelé les dignitaires religieux, dont l'influence est inestimable, à le rejoindre dans ses positions en vue de garantir l'unité de la nation et de rétablir la confiance entre le peuple et le gouvernement. En fait, c'est un véritable mouvement de dissidence qui est en train de se mettre en place et le courant de contestation mené par Moussavi et ses électeurs obtient ainsi un soutien de qualité susceptible de le faire aboutir à terme. En effet, l'entrée de Rafsandjani dans l'arène est tout à fait susceptible d'équilibrer les forces en présence et de mettre en difficulté le clan d'Ahmadinejad qui, pour l'instant, fait parler la répression. Une chose est sûre, c'est désormais un duel de titans qui se profile au sommet de l'Etat iranien et son issue est des plus incertaines. M. A. Boumendil