Le rideau est tombé sur la 2e édition du Festival culturel panafricain après deux semaines d'activités non-stop. La Résidence des artistes, construite spécialement pour accueillir les festivaliers africains, a également vibré aux rythmes de l'Afrique. Durant deux semaines, le site de Zéralda, grâce à ses résidents, s'est transformé en un immense village africain où règne tout au long de la journée une ambiance festive. Construite spécialement pour accueillir les nombreux festivaliers africains, invités par l'Algérie dans le cadre du 2e Panaf, la Résidence des artistes est située à Zéralda, dans la périphérie de la capitale. La résidence qui fait face à un cadre idyllique — des plages et des vignobles à perte de vue — a accueilli près de 2 500 personnes, entre artistes, troupes africaines et personnel d'encadrement. Baptisé Résidence des artistes, réalisée en neuf mois (un record) et inauguré à la fin du mois de juin dernier, ce lieu compte 1 250 pièces, dispatchées en 24 bâtiments de quatre étages chacun. L'ensemble de la structure est organisé autour de patios, de places et placettes, sans oublier ouast eddar, un espace central dans les vieilles bâtisses algériennes. La résidence est un open-space et toutes les pièces sont en verre. Les murs sont peints en blanc avec des petits motifs dans des couleurs chaudes et chatoyantes, qui rappellent la chaleur du continent. Hautement sécurisé, l'accès et la sortie sont contrôlés. D'ailleurs, sans badges, il est carrément impossible d'accéder à la résidence. La grande porte d'entrée, en métal, est gardée jour et nuit par des agents qui procèdent à la fouille de chaque visiteur qui vient perturber la sérénité des lieux. De plus, la résidence dispose de toutes les commodités afin de faciliter la vie aux locataires et la rendre agréable, notamment une banque, un centre de détente, des salles de répétition, une salle Internet, un restaurant, une laverie, un espace commun pour la télévision, une bibliothèque, une boîte de nuit et même des boutiques (alimentation générale et parfumerie). Arrivés à la résidence aux environs de midi, nous avons trouvé ce lieu presque déserté par ses habitants, puisque certains ont préféré se détendre à la plage, d'autres déjeunaient, alors que d'autres encore procédaient à des séances de répétition. La musique était par contre assourdissante et venait de toutes parts. Après un tour dans les coins et recoins de la résidence, nous avons rencontré et discuté avec les maîtres des lieux… les locataires. Parmi eux, le directeur de la troupe Nasrawa State Contigent du Niger, Egy Osera, que nous avons croisé dans la cour arrière de la résidence et qui nous a déclaré : “C'est une très bonne initiative que d'organiser ce festival et la résidence est un lieu magnifique.” Assis à l'ombre dans la sérénité, M. Osera a également soutenu : “Ce qui est bien par ici, c'est l'organisation. Le système de sécurité est si irréprochable qu'il est impossible d'accéder à la résidence sans badge. Tout est à sa place, les chambres sont propres et l'hygiène est parfaite. Toutefois, je regrette malheureusement une chose : lorsque nous montons dans les bus, nous ne sommes pas ensemble, chaque délégation a un bus propre. J'aurais aimé que nous soyons mélangés pour qu'il y ait davantage d'échanges. Heureusement, dans la résidence, la situation est tout autre. Nous avons rencontré des personnes de différents pays du continent comme la Tanzanie et Madagascar.” D'autre part, le programme des hôtes de l'Algérie est réglé comme du papier à musique : un programme préétabli et distribué par le ministère de la Culture pour les guides de chaque délégation. Les journées où les troupes n'ont pas de répétitions, il y a le choix entre la plage et le shopping. Bien évidemment, personne n'a le droit de quitter les lieux seul ou sans escorte. Quant à la soirée, les troupes qui doivent assurer des représentations et des spectacles sont escortées sur les sites ; mais pour le reste, le règlement est clair : défense de sortir ! Cependant, des concerts et des spectacles d'animation sont programmés. Aussi, les locataires de la résidence improvisent-ils des concerts entre eux durant lesquels le mot panafricanisme prend tout son sens. L'un des guides, chargé de la troupe nigérienne, nous a expliqué : “Durant les soirées animées dans la résidence, différentes personnes se mélangent et se mettent à danser ensemble. Chacun essaie d'apprendre à l'autre la danse de son pays.” Etouffement et ras-le-bol des guides… De sévères mesures et un dispositif de sécurité draconien ont été mis en place par les organisateurs. Toutes les issues bouclées, tous les accès contrôlés, les locataires n'avaient pas de liberté de mouvement en dehors de la résidence où chacun de leur mouvement était signalé. “Personne ne peut entrer ou sortir comme il veut. Si quelqu'un veut sortir, il doit informer son chef de groupe pour qu'il soit signalé au niveau de l'administration”, nous explique Amel, une guide du groupe nigérien. Pour mieux encadrer et assurer la sécurité des troupes venues se produire en Algérie à l'occasion du Panaf, tout un corps de guide a été recruté pour 25 jours. Avec un salaire journalier de 1 900 DA, les guides avaient pour mission l'organisation des sorties des troupes de la résidence, notamment aux sites de leurs prestations. Toutefois, la question de la communication entre les guides et leurs troupes s'est posée. Certains accompagnateurs avaient du mal à instaurer la discipline et la rigueur dans leurs groupes. Le guide de l'une des délégations nous explique : “Ils sont ingérables. Aucune discipline, ils ne respectent rien. Nous nous trouvons en train de gérer des problèmes qui ne font pas partie de nos prérogatives, comme débrouiller un transport.” Notre interlocutrice ajoute : “Il n'y a pas de sécurité. La dernière fois, on assistait à un concert à la Grande-Poste, et des jeunes se sont mis à crier et à jeter des bouteilles sur nous. Nous avons vraiment pris peur et personne n'a pu faire quoi que ce soit. Lorsque les coordinateurs du site ont vu que les choses ne s'étaient pas calmées, ils nous ont demandés de quitter les lieux !” De son côté, le guide de la délégation de la République Centrafricaine (étudiant à l'école du tourisme) a évoqué pour nous certains des problèmes auxquels lui est ses collègues sont confrontés. “Tout se passe bien avec notre groupe, mais certains guides ont des problèmes à contenir leur protégés. Ce qui me scandalise le plus, c'est le fait que n'importe qui peut être guide : une photocopie de la carte nationale et une photo… C'est tout ce qui nous a été demandé comme document pour être recruté”, déplore-t-il, tout en soulignant : “La résidence compte des personnes qui sont des stars dans leur pays, et ici elles sont traitées comme des moins que rien. Les agents de sécurité leur parlent de façon hautaine et irrespectueuse. Ajoutez à cela, les troupes algériennes qui se disputent avec tout le monde et qui font des scandales pour un oui et pour un non.” Business is business ! En continuant notre exploration de la résidence, nous avons également rencontré des vendeurs. Nous nous sommes alors rapproché d'eux pour en savoir un peu plus sur leur marchandise ainsi que sa provenance. Après avoir entamé la discussion avec l'un des vendeurs qui proposait des serviettes et des cadres, celui-ci s'est avéré être le responsable d'une troupe venue de Ouargla pour des prestations de danse. Il nous a dévoilé par ailleurs que “cette marchandise appartient à des femmes venues de Ouargla et comme elles ont claqué tout leur argent, elles ont décidé de vendre ces articles artisanaux, comme une sorte de souvenirs aux invités de l'Algérie”. Et ce vendeur n'était pas seul. Dans la seconde cour de la Résidence des artistes, un autre marchand a élu domicile et vendait des babioles et bijoux de Tamanrasset. “Ce sont des bijoux du Sud algérien, les femmes venues pour se produire à Alger ont ramené avec elles beaucoup de bijoux, alors elles ont décidé de les vendre”, s'est-il justifié. En somme et malgré ces quelques incohérences, voire accidents de parcours, les hôtes de l'Algérie se sont dit très heureux des conditions de leur hébergement. Et la Résidence des artistes, qui est actuellement sans vie puisque ses locataires l'ont quittée, servira à l'Algérie pour d'autres festivals et manifestations internationales qu'elle organisera. D. S.