Dans l'histoire de l'islam, des biographes ont retenu, pour nous, une histoire profonde et hautement chargée de symbolique : on racontait qu'Omar Ibn Al-Khattab, compagnon du Prophète Mohammed (QSSSL) et deuxième des quatre califes Arrachidine, dans sa vie antérieure à l'islam la jahiliyya, avant de se convertir à l'Islam nouvelle religion, alors seul dans un voyage en plein désert et en pleine nuit, a prié son dieu qui n'était autre qu'une statuette faite de pâte de datte. Afin de le sauver de sa soif et de sa faim, Omar Ibn Al-Khattab a beau prier, mais son dieu n'a pas exaucé son vœu, n'a pas entendu sa prière. Ainsi, Omar ibn Al-khattab, ne trouvant rien pour faire face à sa faim, a mangé son dieu. Et le lendemain pris par le remord, il a fabriqué un autre dieu pour le manger encore, et ainsi de suite ! Nous, Algériens, nous sommes, en permanence, en train de manger nos dieux, toutes sortes de dieux, sans remords. Nous sommes en continuité en train de détruire nos symboles, sans le moindre regret. Un bref regard sur les fins de nos symboles, nous apercevons cette “maladie” algérienne baptisée “Dévoreurs des dépouilles”. Dans notre histoire politique, longtemps, nous avons glorifié Messali Hadj, père du nationalisme, puis nous l'avons condamné. Nous avons exalté Farhat Abbes, puis nous l'avons banni de toute reconnaissance. Nous avons vénéré Benbella, mythe de la révolution, puis nous l'avons jeté en prison. Nous avons hautement célébré le grand poète Moufdi Zakariya, chantre de la révolution algérienne et parolier de l'hymne nationale, puis nous l'avons condamné à l'exil, pour ainsi mourir en Tunisie, chassé de son pays. Nous avons ramené Boudiaf, pour l'utiliser comme pare-chocs politique et contrer la montée d'une force obscurantiste, puis nous l'avons froidement assassiné. Nous avons placé Boumediene au même niveau que les dieux, puis une fois au cimetière d'El-Alia, nous l'avons trompé. Nous avons dévoré sa dépouille ! Des personnes, assoiffées du pouvoir, aux noms de leur parti, grimpent l'échelle, puis une fois arrivées à leurs buts, crachent dans la soupe du parti et prient un autre dieu. Pour prier un autre le lendemain ! Celui qui prie un deuxième dieu est prêt à prier un troisième. Notre Kateb Yacine, grand écrivain, décédé dans l'oubliette dans un pays qui l'a combattu, toute sa vie. On racontait que quelques voix se sont élevées afin d'interdire son enterrement au cimetière des martyrs, El-Alia. J'ai connu l'écrivain marocain Driss Chraïbi. Il était opposant farouche au régime du Rabat. Il avait vécu, toute sa vie, en exil. Une fois mort, son corps a été noblement rapatrié pour être enterré dans son pays. Qui se souvient d'un Mohamed Dib, maître de la Grande maison, et qui parmi nous ne s'est pas demandé pourquoi Dib a refusé d'être enterré dans son pays, dans cette “grande maison” ? Assia Djebbar, depuis son admission à l'Académie française, nous l'avons marginalisée, oubliée et même accusée ! L'islamologue Mohamed Arkoun sillonne les universités du monde et les cercles de débats d'intellectuels, de Tanger jusqu'à Doha, refuse de retourner dans son pays. Mais pourquoi cette culture de négation ? En Algérie règne cette maladie appelée “l'intellophobie” : la phobie-intellectuelle ! A. Z. [email protected]