Dans la soirée de lundi dernier, des sages du village voisin se seraient présentés aux parents et aux jeunes manifestants comme témoins oculaires de l'assassinat et ont déclaré qu'ils ont vu de loin des hommes barbus, portant des tenues variant entre celles des différents corps de sécurité et celle des afghans connue des terroristes, tirer en direction du véhicule à bord duquel se trouvaient les jeunes victimes. Doute, suspicion, tristesse, colère. Quatre mots qui résument en gros les sentiments que laissaient apparaître les visages hier dans la ville de Tadmaït où quatre corps de citoyens criblés de balles ont été découverts la veille. De nouvelles rumeurs se propagent et d'autres actions de protestation se profilent à l'horizon. Un risque de débordement après l'inhumation des corps semblait faire trembler les services de sécurité mobilisés la veille en renforts pour canaliser la colère des habitants de Tadmaït, qui ont commencé à peine à retrouver leur calme suite à l'affaire des gardes communaux pris en flagrant délit d'incendie et les manifestations qui ont suivi. Encore hier, la ville de Tadmaït était restée fermée, quasiment paralysée. Tout comme la veille, lorsque la nouvelle de cette découverte macabre s'est répandue telle une traînée de poudre à travers la ville des 1 000 martyrs, engendrant ainsi une vive tension qui s'est traduite en un mouvement de protestation orienté vers la fermeture de la RN12 et une prise d'assaut du commissariat de la ville. Aucun commerçant n'a voulu s'aventurer à soulever le rideau de son magasin. Seul un service minimum est assuré. Un calme bien que précaire semble toutefois régner sur la ville. “Ici tout le monde attend l'enterrement qui fait craindre un débordement”, nous dira, le regard vague, un jeune de la région qui n'hésite pas à exprimer ses doutes quant aux multiples versions qui circulaient durant toute la soirée de lundi et cette matinée de mardi. Pour rappel, les quatre corps qui se trouvaient être ceux de Cahouchi Hocine, Aïssaoui Kamel, Allouache Karim et Allouache Ahcène, ont été retrouvés sans vie près du village Ichakalène, un village relevant de la commune de Tadmaït. Trois d'entre eux ont été retrouvés à bord d'un véhicule de marque 404 bâchée de retour du marché, puisque chargée de fruits et de légumes destinés à une fête de la sœur d'une des victimes, alors que le quatrième était retrouvé, criblé de balles lui aussi, au bord d'un cours d'eau. Ce qui a laissé tout le monde supposer que la quatrième victime a pu s'échapper du véhicule au moment des tirs, mais n'a pu malheureusement échapper à l'attentat. Un attentat qui a soulevé beaucoup d'interrogations et qui n'a pas cessé d'alimenter le terrain de la rumeur à Tadmaït. En plus du mystère qui a entouré ce drame, la population qui a tout de suite après alerté les services de sécurité a été rapidement gagnée par la colère. “Les services de sécurité étaient trop lents dans leur intervention pour récupérer les quatre corps qu'on a été obligés d'acheminer vers la morgue avec nos propres moyens”, nous racontera un témoin des évènements qui ont secoué la ville de Tadmaït lundi soir. C'est justement ce reproche fait aux services de sécurité qui semble, à lui seul, être à l'origine de la colère puis des actions de protestation qui se sont vite déclenchées en fin de journée de lundi. Les quatre corps ont fini par atterrir dans la soirée à la morgue de Tizi Ouzou où les examens d'autopsie se poursuivaient encore hier dans la journée, au moment où à, Tadmaït, on préparait l'enterrement. Un enterrement que l'on prépare sur fond, toujours, de rumeurs et de versions des plus plausibles aux plus invraisemblables au point même de prendre parfois des allures de racontars ou de fables. Dans la soirée de lundi, le bureau régional du RCD a rendu publique une déclaration à travers laquelle il réitère “une fois de plus sa demande d'une prise en charge réelle et urgente de la sécurité des citoyens dans la wilaya de Tizi Ouzou” et “appelle les citoyens à rester vigilants pour déjouer toute tentative de manipulation qui viserait à entraîner la région dans un désordre préjudiciable”. Dans la même déclaration, le parti de Saïd Sadi soutient que “le manque de courage politique et l'amalgame entretenu autour de la réconciliation nationale ne font que décourager les Patriotes et les militants engagés pour la défense de la République” et tient à mettre en garde les autorités “contre toute velléité de répression de la population qui légitimement exprime sa douleur”. Les témoignages qui apaisent les esprits Dans la même soirée du lundi, des sages du village voisin se seraient présentés aux parents et aux jeunes manifestants comme témoins oculaires de l'assassinat et ont déclaré qu'ils ont vu de loin des hommes barbus, portant des tenues variant entre celles des différents corps de sécurité et celle des afghans connue des terroristes, tirer en direction du véhicule à bord duquel se trouvaient les jeunes victimes. Un témoignage qui laisse supposer que l'assassinat est sans doute l'œuvre de groupes terroristes activant dans la région. Selon les explications des uns et des autres, il s'agirait d'une erreur sur la cible. Les terroristes ont tendu une embuscade à un véhicule similaire qui devait approvisionner un campement militaire implanté dans la région, mais à l'approche du véhicule à bord duquel se trouvaient les victimes, ils ont ouvert le feu, les tuant tous les quatre. C'est la version qui a été défendue par des sages de la région avec comme fort argument l'existence de témoins oculaires. Un chauffeur de taxi retrouvé assassiné près de Aïn El-Hammam Une version qui, étant la plus plausible, permit un retour au calme en début de soirée de lundi et aussi de le maintenir, bien que de façon précaire, jusqu'à la mi-journée d'hier. Soudainement, une nouvelle terrifiante fait tout le tour de Tizi Ouzou : un chauffeur de taxi clandestin a été retrouvé, hier vers 6h du matin, criblé de balles dans son véhicule de marque Lada non loin de l'entrée de la ville d'Aïn El-Hammam, une localité située au sud-est de la ville de Tizi Ouzou. Le corps de la victime a été acheminé juste après sa découverte vers la morgue de l'hôpital de la même localité, et la nouvelle a encore une fois vite fait de circuler, sauf que cette fois-ci, la population locale est restée calme, vigilante et surtout redoutant un terrorisme qui a changé de stratégie et a décidé de franchir la ligne rouge en s'attaquant à des civils dans le seul objectif, du moins le seul apparent, de semer la zizanie sinon créer une ligne de fracture entre la population et les services de sécurité, notamment dans les régions réputées jusque-là comme fiefs et bases arrière du GSPC et où des offensives militaires d'envergure ont été lancées ces derniers mois par l'ANP. Représailles donc contre la population ? C'est ce que l'on craint désormais en Kabylie où le GSPC, acculé de toutes parts, a compris que la population, bien que toujours opposante au pouvoir central, n'acceptera jamais de soutenir une cause intégriste et encore moins celle du syndicat de la mort contre l'Algérie. S. L.