Interception, course-poursuite, arrestation et présentation devant le parquet. C'est à cela que se résume la politique du gouvernement pour gérer le phénomène des harragas, mettant face à face les garde-côtes et les téméraires candidats à l'aventure maritime pour rejoindre les côtes sud-européennes. Depuis la conférence nationale de la jeunesse, en 2007, et le discours du président Bouteflika appelant les jeunes à rester au pays, parallèlement à l'instruction du gouvernement d'apporter des réponses aux préoccupations des jeunes, la gestion du phénomène s'est limitée aux aspects sécuritaire et judiciaire, alors que la harga s'est amplifiée malgré les sanctions pénales prononcées à l'encontre des harragas. “Je préfère être mangé par les poissons que de rester ici”, avait déclaré un harraga rescapé, il y a deux ans. Aujourd'hui, cette volonté s'est accentuée avec le dernier incident lorsqu'une embarcation de clandestins est entrée en collision avec la vedette des garde-côtes. “Out of the limit”, passé ce cap suicidaire, le gouvernement et la classe politique ne semblent pas avoir pris la mesure de la gravité de la situation. À ce “point de non-retour”, le gouvernement répond par le silence et l'actionnement de la machine judiciaire qui distribue, dans la majorité des cas, des peines de prison avec sursis. Est-ce la seule réponse à une jeunesse qui ne trouve d'issue à sa malvie que dans la fuite du pays par tous les moyens au risque de sa vie ou dans la prison ? N'y a-t-il aucune idée de solution au sein du gouvernement ? Car quand bien même quelques recettes du “techghil echabab” seraient proposées aux jeunes, concrètement, elles ne sont ni attrayantes ni séduisantes, tant elles soumettent les candidats à l'épreuve de la bureaucratie et de la corruption avant même la naissance de leurs projets. Le Président avait prévenu en 2005 que la corruption représente une sérieuse menace pour la société. Ce constat n'a pas été suivi d'effet ou d'action à même de juguler cette pratique qui gangrène la société. Et depuis quand la distribution massive de lignes de transport a-t-elle réglé le problème du chômage ? Quelle est la place des nouveaux diplômés et des universitaires porteurs de projets dans les différents dispositifs d'emploi et de création d'entreprises ? Les choses n'ayant pas changé depuis la fameuse conférence nationale, le phénomène a muté en maladie contagieuse qui n'épargne aucune catégorie sociale. Des universitaires, des pères de famille, des chômeurs, jeunes et moins jeunes, des femmes sont tentés par la harga, ce gros risque pour une vie meilleure, ce slogan qui reste collé au PAP (Programme anti-pénurie) de l'époque de l'ouverture de Chadli Bendjedid. Que faire ? Un gouvernement sans aucune vision, et qui gère un phénomène dramatique comme on gère un dossier Ansej qui propose des formules généralistes consistant à accorder des crédits bonifiés, formules reprises d'ailleurs par le ministre aux mille promesses Djamel Ould Abbès. À la position du gouvernement qui est assimilée à de l'indifférence, le phénomène s'est établi comme une alternative viable pour les jeunes défiant ainsi les lois de la nature et celles du pays. Les cas de récidive en sont une preuve supplémentaire. D'ailleurs, à peine sortis des tribunaux, la plupart des harragas déclarent avoir décidé de retenter l'aventure jusqu'à aboutir ou périr. Parce que le gouvernement est incapable de vision et d'imagination pour trouver une solution et mettre fin au phénomène et se contente de constats, d'analyses superficielles ; certains responsables politiques sont allés jusqu'à traiter les harragas d'antipatriotes franchissant un nouveau pas dans le mépris envers le peuple, cette attitude qui est à l'origine du fossé entre gouvernants et gouvernés et de leur méfiance mutuelle. Djilali B.