Le gouvernement a institué une taxe sur la consommation de téléphonie mobile. Les opérateurs concernés ont réagi en “taxant la taxe”. L'Etat veut 5% de surtaxe sur les ventes ; ils prélèvent 10% sur les consommateurs, augmentant leur marge de la même masse que celle dont l'Etat augmente sa recette fiscale. Devant la riposte oligopolistique des téléphonistes, l'usager n'a pas le choix : il financera la surtaxe et assumera une concomitante augmentation de tarifs. La Direction générale des impôts, qui semble courir après les faits, a réagi par un communiqué qui a tout l'air d'un vain avertissement de principe. Alors que la surfacturation de 10% est en cours sur toutes les recharges téléphoniques, depuis une semaine, la DGI avise qu'“en aucun cas le montant ne doit être répercuté en sus des prix affichés par les opérateurs de téléphonie sur le prix de la carte ou sur le coût de rechargement”. La “menace” brandie par le communiqué semble illustrer l'impuissance de l'Etat devant cette surenchère qui frise le défi à la souveraineté fiscale (vous nous taxez de un, nous taxons le citoyen de deux). “Tout montant prélevé par des personnes autres que les opérateurs de téléphonie concernés expose son auteur à l'obligation de reversement du montant du prélèvement majoré de pénalité”, rappelle la DGI. Or, l'“augmentation” des prix des recharges a été trop parfaitement synchronisée, dans son lancement et dans son montant, pour être le fait de milliers de petits revendeurs isolés, et non une décision concertée, planifiée et mise en œuvre par les opérateurs. Mais le fisc s'adresse à d'éventuelles “personnes autres que les opérateurs concernés” qui prélèveraient des montants additionnels aux prix affichés, c'est-à-dire aux tenanciers de bureaux de tabac ou de kiosques de téléphone qui n'ont aucune raison de surfacturer un produit si eux-mêmes ne le payaient désormais plus cher que son prix habituel. L'inspecteur des impôts, qui aurait à constater une surtaxe de 10 dinars à l'effet d'obliger “la personne” à “un reversement du prélèvement majoré d'une pénalité”, n'aura pas fait beaucoup contre cette répercussion générale de la surtaxe de téléphonie doublée d'une opportuniste majoration du prix ! Au demeurant, si la répression de la fraude au fisc avait quelque effet dissuasif auprès de ces entreprises, elles n'auraient pas osé en arriver à cette bravade qui a tout l'air d'une réponse du berger à la bergère. Dans ce système Etat-opérateur-usager, on l'a vu depuis le début, l'usager a toujours été l'ultime dindon de la farce. L'affaire était mal partie quand, à l'origine, le premier intervenant fut autorisé à commercialiser ses puces avant la mise en service de son réseau. Ce véritable emprunt obligataire sans intérêt avait structuré le rapport fournisseur-client dans la téléphonie mobile. Les hésitations de l'ARPT qui, souvent, “met en garde” plutôt qu'elle n'agit en autorité, complètent le décor psychologique de l'activité téléphonie. Le pouvoir, autoritariste, dans sa volonté de faire ses démonstrations de force tend à prendre des décisions tranchantes ; mais, par son inaptitude à en assurer la mise en œuvre intégrale, il révèle à quel point sa gestion a conduit à une faiblesse chronique de l'Etat. M. H. [email protected]