La Banque européenne d'investissement refuse de donner son feu vert. Le lancement du grand projet de transfert des eaux du barrage de Taksebt, situé dans la wilaya de Tizi Ouzou, devant donner de l'eau h24 à la région Centre, principalement pour Alger, Tizi Ouzou et Boumerdès, s'éternise. La Banque européenne d'investissement (BEI), qui finance le projet à hauteur de 225 millions d'euros, soit l'essentiel de la partie en devise, vient de refuser d'octroyer son feu vert au démarrage des travaux, au motif que l'offre du groupe canadien Snc Lavalin, retenu pour la réalisation de cette adduction, est trop chère, a indiqué une source sûre du secteur. Conséquence, cette décision risque de reporter le lancement des travaux à l'automne. De ce fait, Tizi Ouzou pourrait ne pas avoir de l'eau h24 en été 2004, une condition du marché. Plus grave, la société chargée de la réalisation des travaux devait être choisie, rappelons-le, en 1998. L'Agep, à cette époque, avait mis plusieurs années pour choisir l'entreprise. En 2000-2001, les choses s'accélèrent et débouchent sur un gros scandale. Une entreprise chinoise est classée première à l'ouverture des plis, le groupe espagnol Dragados deuxième et Snc Lavalin sixième. Le ministère de l'époque décide de confier le marché à Snc Lavalin. Ce qui a fait dire à un responsable d'entreprise publique soumissionnaire, que cette société canadienne aurait versé des pots-de-vin pour être sélectionnée, en dépit de son offre bien plus chère que ses concurrents. Après les contestations de soumissionnaires, la commission des marchés décide, en avril 2001, d'annuler l'attribution du contrat. Ainsi, ces convoitises autour d'un marché de 500 millions de dollars ont fait retarder la réalisation du projet. Sans ces hésitations et ces manœuvres pour attribuer le contrat, sans tenir compte des résultats de l'ouverture publique des plis, Alger, Tizi et Boumerdès auraient actuellement de l'eau h24. Après l'annulation du contrat, le ministère décide de confier à l'Agence nationale des barrages (ANB) le lancement d'un nouvel appel d'offres. En octobre 2002, à l'issue de l'ouverture des plis pour la phase technique, l'agence retient Snc Lavalin, Dragados et la firme allemande Linde. Le grand groupe français Vinci, candidat au départ se retire. Il invoque des raisons sécuritaires. L'autre soumissionnaire français, Razel, se retire également mais pour d'autres raisons. Il veut, selon l'Anb, se concentrer sur la réalisation du barrage de Koudiat Acerdoune, un contrat qu'il avait remporté peu de temps avant cette sélection. À l'issue de la seconde phase, la sélection des offres financières, en novembre 2002, l'agence retient SNC Lavalin et Dragados. Auparavant, la commission d'évaluation, après une étude plus approfondie de l'offre technique des trois candidats en lice, décide d'éliminer Linde du fait que son dossier technique est jugé insuffisant par rapport à la complexité des travaux. On en est, fin 2002, à la dernière ligne droite. Depuis, Snc Lavalin s'impose, probablement avec les appuis des décideurs, comme une entreprise incontournable dans la réalisation des projets hydrauliques. Elle réalise en un temps record l'interconnexion qui sécurise l'approvisionnement en eau de la capitale. Fort de ce succès, le groupe canadien se voit confier la réalisation de l'interconnexion, actuellement quasiment terminée, des barrages de Skikda. L'Anb, après examen des offres financières, décide de retenir Snc Lavalin. Son offre est effectivement plus chère : 47 milliards de dinars, contre 40 milliards de DA pour Dragados. Mais cette dernière ne prévoit pas dans son offre de livrer de l'eau h24 à Tizi Ouzou un an après le démarrage des travaux, une condition de l'appel d'offres. Selon l'Anb, si l'on tient compte de la durée d'exploitation, l'offre de Dragados s'avère plus chère. Aujourd'hui, la BEI veut une alternative à ce choix. Faut-il refaire l'appel d'offres et céder le marché selon la procédure de gré à gré interdite dans ce cas ? La situation retarde encore une fois le lancement du projet. Elle aboutit à une réalité insoutenable : un barrage qui accumule actuellement 90 millions de m3, mais qui ne sert presque à rien, faute d'adduction. Pis, toute une population de la région Centre est devenue otage des convoitises autour de ce projet devant s'achever au terme de 37 mois de travaux. Elle voit s'éloigner son rêve d'eau h24, à cause d'une gestion antérieure catastrophique du secteur. Il s'ensuit que les responsables de cette situation doivent impérativement rendre des comptes. N. R.