Il fallait se lever très tôt à Illiltène, dans la région d'Iferhounène, pour suivre les chemins qui montent, qui montent... vers le ciel. Sur les hauteurs, un terrain immense, à perte de vue, verdure se dorant au soleil, que les bergers investissent avec leurs bêtes. Tout près du ciel, les pâturages offrent un parcours infini aux bêtes et aux hommes. À 1883 m d'altitude, le pic d'Azrou n'Thor qui domine de toute sa majesté la région d'Illiltène. Un site d'une beauté naturelle qui attire de nombreux visiteurs et pèlerins. L'endroit réserve des visions de rêve. Les collines fusent comme des courbes lumineuse ; les vallées profondes, les gorges et les rivières paraissent d'en haut dans un spectacle vertigineux ; les faucons planent autour du rocher, au-dessus du vide, tout en bas du chaos de roc ; ils prennent vite de la hauteur pour s'élever bien au-dessus de nos têtes, princes des nuées à l'assaut de l'azur et des espaces vierges. Tous les chemins montent et les yeux portent très loin sur les hauteurs et les villages qui s'accrochent en grappes sur les crêtes. On peut voir jusqu'à Bouira au sud, Larbaâ Nath Irathen à l'ouest, Akfadou et Azzefoun au nord. Chaque année une fête y est organisée. Une fête traditionnelle qu'on appelle assensi et qui rassemble des gens venus des différentes régions de Kabylie et d'ailleurs pour une randonnée dans la montagne et pour un moment de détente. Chaque année, les villages Aït Atsou, Zoubga et Aït Adellah organisent la cérémonie festive, à tour de rôle, chaque week-end à partir du mois d'août. De bon matin, les chemins et les routes qui mènent à ce pic prestigieux se remplissent d'hommes, de femmes et d'enfants dont le sourire laisse deviner la plénitude de la sensibilité. Une longue marche. Aux environs de midi, des plats de couscous et de viande sont servis aux visiteurs et pour la “baraka”, un instant d'appétit et d'union à partager dans la joie générale. Plus tard, vers 13 h, l'agraw s'installe sous les sapins pour recevoir la wada, prêcher la bonne parole et donner sa bénédiction aux donateurs. À Azrou n'Thor et selon la coutume, des femmes viennent, du haut de la crête, appeler leurs fils ou leur mari disparus ou exilé, les exhortant pour qu'ils reviennent. Les pâturages du ciel Les bergers de la région attendent avec patience que le ciel se libère de ses orages et que le printemps arrive. Au milieu du mois de mai et jusqu'au mois de septembre, les bergers préparent le transfert des animaux bovins, chèvres et moutons. Ils bâtissent des enclos en pierres sèches, assensou, un refuge nocturne pour les animaux contre toute prédation, sous la garde et le regard bienveillant des pâtres qui établissent un rôle et une relève chaque nuit. Tôt le matin, à la place du village, on réunit les animaux sous l'œil éveillé de Vénus, l'étoile du Berger. Hommes et animaux prennent le chemin du départ ; en file indienne, ils montent à travers les chemins abrupts des sommets et les roches rébarbatives. Ils rejoignent ainsi les pâturages, tout le haut, dans l'immensité du Djudjura. Le tourisme, une possibilité Ces lieux de parcours tout près du ciel sont indispensables à leur errance. Vers midi, les animaux sont guidés sous les sapins afin qu'ils se reposent, tout en ruminant leur pâture. Entre-temps les pâtres, eux aussi, à l'ombre des cèdres, prennent leurs frugaux repas. C'est vers 14h que les bergers reprennent leurs aventures à travers la montagne et les lieux qu'ils ont choisis de parcourir. Là-haut, on oublie le temps et on côtoie les nuages. Tout près de l'azur, les bergers chantent au son de la flûte, admirent la beauté que leur offre la nature et la plénitude. Un investissement en matière de tourisme reste une possibilité palpable dans cette localité. Les sites y sont magnifiques et la nature garde encore son charme. L'on citera par exemple les portes de Bil, la grande porte et la petite, situées au niveau du col de Tirourda, le village des forgerons d'El-Kayous, le mausolée du roi Oulkadi au village Tifilkout et Igfilen, le gouffre du Lion à Azrou n'Thor… l'on retrouve également des espèces d'animaux d'Afrique du nord comme le singe magot au niveau de cette partie du Djurdjura, pour ne citer que ceux-là. Malheureusement, aucun organisme chargé de la promotion du tourisme ne semble s'intéresser à cette localité qui, sans doute, tirera profit de ce créneau, en été comme en hiver. Au moment où les pays voisins inscrivent le tourisme dans un investissement durable et font la promotion de cette activité, créant de l'emploi dans des zones très reculées, chez nous, beaucoup de gens n'arrivent même pas à découvrir la beauté cachée de leur pays mère, préférant, pour ceux qui peuvent, passé les vacances ailleurs. Kocila Tighilt