Sur les montagnes du Djurdjura, à 1 700 m d'altitude, les montagnes de Illiltène se situent à la limite de la wilaya de Tizi Ouzou et de Béjaïa. À cette altitude, la vue percute l'esprit, le regard porte très loin jusqu'aux vallées d'Akbou et les hauteurs de Bouira, au sud, et jusqu'aux confins d'Azeffoun, au nord. D'est en ouest, les montagnes s'embrasent sous le soleil lumineux du printemps. L'air pur gonfle les poumons, il nous offre le plaisir de respirer et de vivre. Un lieu d'inspiration pour ceux qui savent regarder avec les yeux du cœur. Le ciel drape la verdure et les pâturages de la région sont une bénédiction pour les bergers ; un endroit de pâture béni pour leur bétail : bovins, chèvres, et moutons. Chaque année, une transhumance s'organise, les bergers attendent avec patience que le ciel se libère de ses orages et que le printemps s'installe. C'est vers la mi-mai que les bergers s'organisent et se répartissent les tâches. On marque les animaux d'une manière ou d'une autre et on bâtit les enclos à la pierre sèche. ceux-ci, appelés assensi, constituent un lieu de refuge nocturne pour le bétail contre toute prédation, sous la garde des pâtres qui établissent un rôle et une relève chaque nuit. Puis, vient le jour de la montée des troupeaux. On réunit les bestiaux sur la place du village, le matin à l'aube, quand la nuit défie le jour sous l'œil éveillé de Vénus. Hommes et animaux montent en file indienne à travers la végétation et les sapins, la roche rébarbative, le chemin abrupt des sommets. Pour certains bergers dont Mouhou, la transhumance est une pratique ancestrale, “un leg traditionnel indispensable pour nous et nos bêtes. Comme la pâture se fait rare et la paille insuffisante, alors il n'y a pas mieux que les pâturages de nos montagnes. Elles sont excellentes pour notre santé et celle de nos bêtes”. Tout en haut, la montagne accueille toute une armada de bergers venant de plusieurs villages : Aït Aissa Ouyahia, Tizit, Aït Adellah, Zoubga, Tirourda… pour le versant ouest, et Aït M'likèche, notamment Tighilt Makhlouf et Aït Sellam pour le versant est. Les pâturages de montagne satisfont leurs besoins pendant une partie du printemps et tout l'été, jusqu'au mois de septembre. Ces lieux de parcours, tout près du ciel, sont indispensables à leur errance, même si le danger est bien omniprésent. Il y a quelque temps, un berger a été sauvagement assassiné et son troupeau volé. À la mi-journée, quand les animaux ruminent sous les sapins, aqueguel, les pâtres, eux aussi à l'ombre, s'adonnent aux jeux anciens, tidas, un damier empirique tatoué à même le sol, et des noyaux en guise de pions. d'autres prennent leur frugale repas : de la galette, du petit-lait, des dattes ou des figues sèches avec de l'huile d'olive. Le temps d'un déjeuner et d'une sieste bien mérités, avant la reprise de l'aventure. À tour de rôle, les bergers échangent la surveillance des troupeaux ; une nuit et une journée pour chacun ou chaque groupe, selon le cas. Tout au long de cette transhumance, de la mi-mai au début du mois de septembre, du col de Chellata à celui de Terrourda, sous l'oeil bienveillant d'Azro n t'hor, le pic culminant de la région, les troupeaux défilent à l'horizon, parcourant les pâturages du ciel. Ici, le berger oublie le temps ; il côtoie les nuages dominant les espaces noirs de soleil et de verdure ; il chante au son de la flûte. Immémoriale et immuable, la transhumance demeure une tradition. Koucila TIGHILT