Sous des apparences de sérénité, la situation est donc très tendue dans le pays et tous les ingrédients sont réunis pour que la moindre incartade se transforme en affrontements susceptibles de dégénérer. Dès ce matin, les quelque 800 000 électeurs gabonais inscrits sur les listes électorales se rendront aux urnes pour élire celui qui succèdera à Omar Bongo, décédé le mois de juin dernier, après plus de quarante ans d'un règne sans partage. Donné comme le grand favori, son fils Ali n'aura finalement pas la partie facile et le scrutin s'annonce plus ouvert que prévu après le désistement de cinq candidats sur les 23 initialement en lice, parmi lesquels Paul Mba Abessole, l'opposant historique à Omar Bongo, et leur ralliement à l'ancien ministre de l'intérieur, André Mba Obame, véritable révélation de la campagne électorale. En effet, possédant une chaîne de télévision privée, il s'est donné les moyens de faire parvenir son message politique aux Gabonais et ses meetings ont connu des affluences qui ont surpris les observateurs. Cette coalition, annoncée vendredi dans des conditions quelque peu chaotiques, est le résultat de pressions populaires en vue d'une candidature unique face à Ali Bongo, candidat du Parti démocratique du Gabon au pouvoir. L'initiative est capable de changer la donne électorale et le scrutin s'annonce des plus incertains, malgré les nombreuses irrégularités observées dans sa préparation et de lourdes suspicions de fraude au profit du représentant du clan Bongo. Les autorités chargées d'organiser et de gérer l'élection n'ont répondu à aucune des doléances des candidats de l'opposition, notamment celle de reporter le scrutin pour assainir le fichier électoral. La presse internationale est confrontée à des restrictions drastiques et rares sont les journalistes qui ont obtenu les visas nécessaires pour couvrir l'événement. De plus, prétextant des raisons de sécurité, le gouvernement a pris la décision d'instaurer le huis clos dans les bureaux de vote, ce qui n'est pas un gage de transparence et renforce la suspicion de fraude. Cette dernière décision, notamment, pourrait mettre le feu aux poudres et être à l'origine de troubles, dans la mesure où le principal rival de Ali Bongo, l'ancien ministre de l'intérieur André Mba Obame a appelé la population à rester dans les bureaux de vote et à faire preuve d'une grande vigilance. Le fils d'Omar Bongo, candidat à la succession de son père, qui n'a quitté son poste de ministre de la Défense qu'à l'ouverture de la campagne électorale, met en garde ses adversaires. “Nous n'accepterons pas le désordre” a-t-il averti dans une interview accordée vendredi à RFI, l'un des rares médias étrangers accrédités à Libreville. Sous des apparences de sérénité, la situation est donc très tendue dans le pays et tous les ingrédients sont réunis pour que la moindre incartade se transforme en affrontements susceptibles de dégénérer. Avec le spectre de la fraude plane celui de “l'ivoirisation”du pays. Même si le terme n'est pas ouvertement évoqué par la population, il n'en demeure pas moins qu'il est dans tous les esprits. Avec le scrutin présidentiel d'aujourd'hui, la peur s'est invitée à Libreville. Sous un prétexte ou sous un autre beaucoup d'habitants quittent la capitale gabonaise pour se rendre dans leurs villages respectifs, fuyant des troubles possibles. Pour ceux qui n'ont pas cette possibilité ou qui ont décidé, malgré tout, de faire face à la situation, ils se sont rués sur les magasins pour constituer des stocks alimentaires qui leur permettraient de se barricader chez eux, le cas échéant. Le scrutin présidentiel au Gabon est à un tour. Celui des candidats qui remporte la majorité relative est directement proclamé président, quel que soit son score. Etant donné la taille démographique du pays et le faible nombre d'électeurs qui en découle, le nom du vainqueur devrait être connu assez tôt dans la soirée d'aujourd'hui. Et si, comme cela est fort probable, Ali Bongo est proclamé gagnant, les pires des scénarios sont à craindre.