Le scrutin présidentiel devant désigner le successeur d'Omar Bongo au Gabon aura lieu demain. Pas moins de 23 candidats sont en lice, dont le fils du défunt président, Ali ben Bongo, et trois femmes. Porté par le parti de son défunt père, le Parti démocrate gabonais, pouvant compter sur l'appui d'une puissante machine administrative et disposant de moyens financiers sans commune mesure avec ceux de ses adversaires, Ali ben Bongo est à peu près sûr d'être proclamé vainqueur dans la soirée de demain, à l'issue du scrutin. C'est d'autant plus vrai qu'il s'agit d'une présidentielle à un tour où le candidat arrivé en tête est élu, quel que soit son score. Cette élection se caractérise par un engouement inhabituel des électeurs gabonais, qui se sont inscrits en masse sur les listes électorales, rompant avec leur traditionnelle désertion des urnes le long du règne d'Omar Bongo, sachant que les jeux étaient alors faits d'avance. Beaucoup voient, en effet, une opportunité de changement dans le scrutin de demain, même s'ils regrettent que l'opposition se présente en rangs dispersés. Ils n'en dénoncent pas moins les nombreuses irrégularités qui jouent toutes en faveur du fils Bongo, notamment un fichier électoral très peu fiable dans lequel on soupçonne l'injection de dizaine de milliers d'électeurs fictifs, de nombreux électeurs inscrits à la fois “à la ville et à la campagne”, sans compter que “les morts voteront”, les listes électorales n'ayant pas été actualisées depuis les législatives de 2006. Le ministre de l'Intérieur lui-même aurait reconnu la présence de quelque 120 000 “doublons” sur les listes électorale, ce qui est énorme dans un pays de moins d'un million et demi d'habitants et dont le corps électoral, même surestimé, ne devrait pas excéder les 800 000 électeurs. Tous les efforts des candidats pour faire reporter la date du scrutin, afin d'en garantir une meilleure transparence, sont restés vains. Aussi ne se fait-on pas beaucoup d'illusions sur l'issue du vote qui consacrera, selon toute vraisemblance, le fils Bongo comme successeur de son père. Or les langues se sont déliées depuis la mort du vieux Bongo, véritable pilier de la Françafrique, et l'on critique ouvertement ses quarante ans de règne qui ont confiné une bonne partie de la population dans le dénuement alors que le pays est riche de son pétrole, de son bois et de ses minerais, au point où on le surnomme “l'émirat du Gabon”. La majorité des Gabonais ne veulent pas d'une dynastie Bongo, d'autant plus qu'on ne reconnaît pas au fils les qualités d'homme d'Etat nécessaires, et on doute de sa capacité de gouverner. Aussi les opposants et la rue avertissent. Si Ali ben Bongo est proclamé vainqueur, un dispositif est déjà mis en place pour contester les résultats par des manifestations de rue. Les Gabonais eux-mêmes, mais aussi de nombreux observateurs, parmi lesquels des diplomates en poste à Libreville, prévoient alors des troubles à travers tout le pays, dont nul ne peut prédire le degré de gravité. Même si pour l'heure personne n'envisage la possibilité qu'éclate une guerre civile, tous s'accordent à dire que le Gabon pourrait entrer dans une période de forte instabilité et connaître de graves turbulences. Un scrutin présidentiel à haut risque donc.