La bonne parole 1re partie Lorsque Nawel ouvre sa boîte mail, ce matin-là, elle est surprise de trouver un courrier qui ne lui est pas destiné. “À destinataire inconnu”. Elle décide de ne pas le lire. Elle a encore en tête, un courrier où un avocat lui proposait de lui donner 20% d'un héritage. Une affaire en or avait-elle pensé en riant. Il ne doit pas être plus avocat que moi. Elle est infirmière dans une polyclinique à l'est du pays. Avant de s'y rendre, elle se connecte. Elle a de la famille en Hollande et en Suisse. Elle est heureuse de pouvoir les joindre à tout moment de la journée et de la nuit. Lorsqu'elle est au travail, son fils Lyès, diplômé en biologie, au chômage, passe tout son temps à discuter avec ses amis via Internet. C'est lui qui la met au courant des nouvelles de la famille. Mais après quelques frayeurs, elle lui a interdit de l'appeler au travail. Elle ne veut pas être perturbée. Elle n'a pas besoin de mauvaises nouvelles. Elle veut se concentrer et s'occuper des malades, prêter une oreille à ceux qui ont besoin de se confier. Elle est au courant de tout. Elle sait qui se fiance prochainement, qui se marie, qui divorce. Elle est au courant des moindres querelles entre belle-mère et belle-fille, entre les voisins, les pourquoi, les comment ils en arrivent à s'accrocher verbalement avant d'en finir aux poings. Les gendarmes ont beaucoup de travail. Pas plus loin que la veille, une lycéenne avait été surprise par son frère avec son petit ami. Un rendez-vous innocent à l'origine d'une bagarre qui fera un blessé grave et une arrestation. Le petit ami a été hospitalisé après avoir reçu un coup à la tête. Huit points de suture et comme il a perdu connaissance, à deux reprises, il a été emmené à Annaba, pour y passer un scanner. Nawel espère qu'il n'y a rien de grave. Elle connaît les parents. Elle pense leur rendre visite, pour leur remonter le moral si elle en a le temps. Elle se prépare rapidement pour se rendre au centre de santé. Son mari, agent de sécurité, dans un hôtel-restaurant, est rentré à l'aube. Il dormait encore à son réveil. Elle décroche le téléphone, pour que personne ne vienne le déranger dans son sommeil. Si elle a besoin de les joindre, elle appellera son fils sur son portable. En général, quand elle appelle, c'est pour leur demander d'aller au marché ou d'acheter du pain. - Sbah el kheir, Nawel ! - Kheir, répond celle-ci. - Est-ce que tout va bien ? lui demande la femme de ménage. - Pas comme je veux mais ça va, répond Nawel. As-tu nettoyé le cabinet du médecin ? - Oui. Comme celle-ci ne bouge pas, elle arrête de chercher dans son sac et la regarde. - Tu as besoin de quelque chose ? La femme de ménage, Nadia, semble hésiter à lui dire quelque chose. - Que se passe-t-il ? - Rien, enfin, rien de grave, commence Nadia. C'est au sujet de ton fils… - Mon fils, reprend Nawel en écarquillant les yeux. Quoi mon fils ? Nadia détourne les yeux. Nawel s'énerve car celle-ci prend tout son temps, pour la mettre au courant. A. K . (À suivre)