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La grande bataille de la poésie, de l'identité et de la culture
Phénomènes de société, communication et Coran
Publié dans Liberté le 05 - 09 - 2009

Le monde musulman célèbre, chaque année, la victoire de Badr qui a eu lieu dans la journée du 17 du mois de Ramadhan en l'an II de l'Hégire. Sur le plan stratégique, elle a permis de changer les équilibres en faveur du Prophète (Prière et Salut sur lui) et des compagnons que Dieu les agrée. Pour la première fois, la nouvelle religion, installée à Médine, fait parler d'elle dans toute la presqu'île arabique et même en Orient et au Yémen. C'est la concrétisation d'un triomphe longtemps attendu qui va ouvrir la voie à son tour au triomphe final et à l'émergence de l'islam sur le plan planétaire. Toutefois, ce sacre ne doit pas faire oublier les autres grandes luttes de résistance et de patience devant tant d'endurance et de souffrances, vécues à La Mecque. Le rendez-vous de Badr, qui avait été plusieurs fois prédit comme bonne nouvelle pour les croyants et un premier châtiment ici-bas pour les Koraïchites mécréants, est la consécration de ces longues épopées dont chaque fois le Prophète (P. et S. sur lui) et ses compagnons sortaient grandis et plus décidés que jamais à poursuivre leur mission. La liste des épreuves surmontées grâce à la main divine et à la Révélation est vraiment longue depuis le jour où l'Ange Gabriel surprit le Prophète (P. et S. sur lui) dans la grotte de Hira pour lui révéler les premiers versets débutant par un double ordre de lecture. En rentrant pourtant victorieux de la grande bataille de Badr, le Prophète (P. et S. sur lui) se tourna vers les compagnons et leur dit : “Nous sommes sortis de la petite bataille pour entamer la grande bataille.” Entendre par là celle de la construction, de l'édification et du développement. Badr doit être située dans son contexte véritable et non pas servir d'alibi aux extrémistes de tous bords qui utilisent un symbole pour assouvir leurs besoins de haine et de vengeance et semer partout la fitna.
C'est pour cela nous nous arrêtons sur l'une d'elles que nous retrace sourate Echouara et que nous avons appelée la grande bataille de l'identité, de la langue, de la culture, de l'art et de la poésie. L'analyse structurelle de sourate Ech-Chouâra (les poètes) se distingue par une particularité unique servant de modèle à tout écrit littéraire ou poétique. Cette révélation a été du reste un défi aux poètes, en demeurant une inspiration infinie, pleine de beauté et de sens.
On a vu qu'en matière de littérature et de gestion économique, sourate Sidna Youcef, qui rapporte le meilleur des récits de la meilleure des façons, demeure un exemple d'inspiration infinie. En matière de philosophie, de science, de justice et de gouvernance, il y a les paraboles de sourate El Kahf. Il y a aussi sourate El Fourkane, une véritable épopée coranique. Rendez-lui une visite au moins en ce mois de Ramadhan pour montrer votre attachement au Coran et éviter de le déserter comme le Prophète s'était plaint de son peuple. Je pense sérieusement la traduire par un feuilleton de 30 épisodes pour faire revivre cette épopée qui s'était déroulée autour de La Mecque.
1- Les circonstances de la Révélation :
La révélation de sourate Ech-Chouâra, (les poètes) comme son nom l'indique, n'est pas étrange au développement sans précédent de la poésie dans La Mecque devenue un lieu de contact, de rencontres, permettant une floraison importante de cercles de poésie et de chant. Qui de nous ne connaît pas les fameuses Mouâlaqates, affiches de poésie exposées sur les murs dans les places centrales de La Mecque. Leur impact sur le public était immense et constituait le moyen principal de communication. Des prix étaient décernés aux meilleurs poètes.
C'est dans ce contexte que la sourate fut révélée. “Cela ressemblait à de la poésie, mais ce n'était pas de la poésie”, commenta Walid Ibn El Moughira, lui qui avait un goût pour la poésie et qui était délégué par Koraïch pour espionner le Prophète (P. et S. sur lui) qui récitait le Coran à ses compagnons.
Dans son commentaire, Hamza Boubakar lui consacre un long passage sur les conditions de sa révélation.
Il y a beaucoup de ressemblance avec la révélation des deux sourates qu'on a présenté Youcef et El Kahf de par les circonstances. Elle aussi apporta son lot de soulagement au Prophète (P. et Salut sur lui), alors que la nouvelle religion commençait à prendre corps en faisant parler d'elle sérieusement. Avant cette révélation déjà, les Koraïchites hostiles, dirigés par l'intraitable Abou Jahl, avaient essayé nombre de pressions, d'attaques verbales ou physiques et autres manœuvres pour dénigrer et discréditer, en vain, le Prophète qui à chaque épreuve sortait grandi, lui et ses compagnons. On a vu dans sourate El Kahf comment ils avaient recouru à l'histoire, à la philosophie et à la science par le biais de savants et érudits parmi les Gens du Livre pour mettre au piquet le Prophète. La réponse a été appropriée. Seulement, au lieu de se soumettre, les Koraïchites redoublèrent d'agressivité et d'ingéniosité pour fabriquer de nouveaux stratagèmes. C'est ainsi qu'ils se retournèrent vers un domaine dans lequel ils pensaient exceller en décidant de défier le Prophète dans la poésie, le savoir, l'art et la langue.
2- Huit paraboles contre sept mouaâlaqates
La poésie demeure un genre d'expression établi dans la société arabe, notamment à La Mecque, devenue célèbre par les rencontres et le foisonnement de clubs. Elle était célèbre par ses sept Mouâlaqates, affichant les poèmes sur les murs de la Kaâba, où les pèlerins venaient lire les dernières nouveautés. Les Koraïchites étaient fiers de maîtriser l'art de la poésie qui avait une dimension et une portée considérable, en étant le canal de communication le plus redoutable, le plus en vue et le plus ancré. Aussi, la tentation était grande en tentant de défier le Prophète (P. et S. sur lui) en l'attirant sur ce qu'ils croyaient être leur propre terrain : la descendance, la langue, la poésie et la civilisation. Ils l'accusèrent alors de poète de seconde zone, reproduisant d'anciens écrits ou s'inspirant de maîtres inconnus qui le manipulaient ou carrément de Djinns qui le poussaient à dire des choses insensées.
Ces attaques répétées et ces intox répandues dans la ville provoquèrent des remous faisant croire en la supériorité de Koraïch, ce qui mit quelque peu le Prophète (S. et P. ), lui qui mettait beaucoup d'empressement pour gagner à sa cause les grands dignitaires de la cité. Il pensait sincèrement qu'en réussissant à les convaincre d'adopter la nouvelle religion, les gens ordinaires finiront par se rallier en masse. Mais il ne reçut que dédain et mépris en passant des moments difficiles. C'est à cet instant-là que vint l'Ange Gabriel apportant la bonne nouvelle et la réponse qui dérouta une fois de plus ses détracteurs et qui remplit de bonheur le cœur des compagnons. Demain la réponse. Etait-elle faite d'insultes et de maladresses ? Répondait-elle à la provocation ? Recommandait-elle la violence et les assassinats pour semer la peur et prétendre se faire vouloir par tout moyen ? Elle est tout autre.


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