Sotra-tèg est un monologue d'Abbas Mohamed Islam qui puise sa thématique dans le monde et dans l'Algérie d'aujourd'hui. Un spectacle décapant avec beaucoup d'humour, de musique et d'intelligence. Le Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi a abrité, avant-hier soir, un superbe monologue intitulé Sotra-tèg, présenté par le talentueux comédien Abbas Mohamed Islam, qui a également plusieurs expériences — assez intéressantes — dans la mise en scène, mais la comédie est sans conteste son domaine de prédilection. Produit par l'association Ashbal Aïn Bénian, Sotra-tèg est un monologue de plus d'une heure, adapté par Kamel Djayeb, d'après le texte d'Ahcène Tlilani, mis en scène et conçu par Abbas Mohamed Islam. Pertinent et drôle, touchant et pathétique, décapant et renversant, le comédien n'a donné aucun répit aux spectateurs, qui ont réellement apprécié. Après quelques minutes d'attente, le rideau s'est enfin ouvert pour qu'apparaisse un musicien. Il commence à jouer quelques notes sur son instrument, puis apparaît le comédien Abbas Mohamed Islam et se met à danser sur les airs entraînants de la célèbre Salam alikoum ya lehbab, de l'Orchestre national de Barbès. À ce moment, le public ignorait encore qu'il allait passer une excellente soirée, ponctuée par des éclats de rire et marquée par un propos pertinent et subtil. Sotra-tèg, c'est l'histoire de Djrada, un enseignant en histoire, atteint de calvitie. Il n'aime pas le prénom avec lequel ses parents l'ont affublé, alors il choisit de se baptiser Sotra-tèg. Ce personnage ordinaire a tout de même un petit secret qui le mine et le consume : il est atteint de calvitie. N'assumant pas sa maladie, Sotra-tèg se coiffe de toutes sortes de chapeau, pour se protéger, pour que ceux qui l'entourent ne constatent pas qu'il est chauve, notamment Dounia (alias Dounia Beauté sauvage), sa bien-aimée. Sotra-tèg souhaite aller demander sa main, mais avant, il faut qu'il trouve la protection idéale pour sa tête, afin de ne rien laisser paraître. Grâce à son sens de l'humour et à son imagination débordante, et entre un ou deux essayages, le monologuiste invente des personnages singuliers, drôles puisque caricaturés et totalement représentatifs de la société algérienne : de l'oncle de Dounia qui suspecte l'oncle de Sotra-tèg d'être un harki, en passant par le médecin nonchalant Stradovsky Tartarovsky, en passant par son ami “papichologue”, son voisin militaire. En plus de ces personnages étonnants, Sotra-tèg se transforme à chaque fois qu'il essaie une coiffe : du keffieh au chèche, à la kipa, en passant par le chapeau des cow-boy et de la perruque. Mais ces coiffes ne sont qu'un prétexte pour évoquer certaines thématiques épineuses, poser un regard à la fois critique et humoristique sur le monde d'aujourd'hui, qui est d'ailleurs dans une situation lamentable, et lever le voile dans la sérénité sur certains tabous et autres travers de la société. La musique, qui a eu une part importante dans le spectacle, a été comme une bouffée d'air frais. Arrivant au bon endroit et au bon moment, ces intermèdes musicaux ne duraient pas longtemps et avaient une sorte de fonction dans le spectacle. Par ailleurs, Sotra-tèg est un spectacle critique qui passe en revue plusieurs pratiques qui sont acceptées comme par un consensus social, mais qui sont d'une grande gravité car elles dégradent l'être humain et amoindrissent son importance, notamment la normalisation de tout et de rien dans le pays… même le meurtre ! De plus, il faut beaucoup de courage pour construire tout un spectacle autour de la calvitie, qui n'est en fait qu'un prétexte. De son côté, le comédien, Abbas Mohamed Islam, a brillé par son interprétation. Il ne s'est pas confiné dans un seul registre, puisque sa manière de dire son texte avait entre autres des tonalités épiques. Le comédien s'est réellement illustré dans ce monologue et a montré une autre facette de sa personnalité artistique qu'il pourrait explorer davantage dans d'autres spectacles. Cependant, il y a eu une mauvaise occupation de l'espace et quelques réglages sont plus que nécessaires dans la lumière. Ne noircissons pas davantage le tableau, Sotra-tèg est un spectacle complet qui retient l'attention et augure plein de bonnes choses, car, rappelons-le, le texte est fort et très bien écrit.