Le directeur du port de Mostaganem reconnaît, dans une correspondance adressée à un concessionnaire, que son infrastructure ne peut pas recevoir les “car-carriers”. Médusés par tant d'acharnement, les concessionnaires automobiles ne comprennent pas l'intransigeance des pouvoirs publics à ne pas leur accorder de délai pour s'adapter à la nouvelle mesure du ministère des Transports. Tel un couperet, le niet du ministre est intervenu mardi au Sénat, laissant sans voix les concessionnaires qui déplorent une décision prise unilatéralement à leur encontre leur interdisant, en vertu d'une instruction des transports de débarquer les véhicules importés au port d'Alger. Ils sont sommés ainsi de transférer l'activité vers les ports de Djendjen (Jijel), Mostaganem et Ghazaouet. Il en ressort que les pouvoirs publics sans l'ombre d'une hésitation ne se sont pas souciés des conséquences négatives qui vont se répercuter sur les concessionnaires automobiles car ces derniers ont mis des années à adapter leur logistique en y investissant beaucoup d'argent, ni même si les ports choisis répondent aux normes requises en la matière. À plus forte raison lorsque le directeur du port de Mostaganem reconnaît lui-même, dans une correspondance adressée à un concessionnaire, dont nous détenons une copie, que son infrastructure ne répond pas aux besoins de l'activité. “Les navires car-carriers d'une longueur de 200 m et un tirant d'eau de 8,50 à 9 m ne peuvent pas accoster au port de Mostaganem pour des raisons de caractéristiques nautiques au port, sachant que le plus fort tirant d'eau est limité à 8,22 m”, lit-on sur le document en question sur lequel il est précisé, plus loin, que l'entreprise est disposée à recevoir des navires répondant aux données physiques du port. C'est ce qui a sans doute amené le ministre à dire que “le choix des petits bateaux peut-être fait”. Des spécialistes des ports sollicités pour se prononcer sur la question assurent que cela va à contresens des principes élémentaires de la logistique. “Nous appelons les décideurs à mieux se pencher sur notre dossier et l'étudier minutieusement”, nous dit-on du côté de l'AC2A qui a déploré que la décision ait été prise sans les consulter, précisant que les concessionnaires sont des opérateurs économiques qui ont toujours voulu le bien du pays. En effet, le déroulement des faits reflète un rapport de force inégale qui soumet les concessionnaires, la mort dans l'âme, à se plier à l'instruction du ministère des Transports et dont la date butoir est prévue pour le 1er octobre. L'argument de désengorger le port ne tient pas la route “Aucun port en Algérie ne répond aux normes requises en la matière, puisqu'il n'existe même pas d'auto-terminal. Les importateurs de véhicules ont adapté leur logistique en fonction de ce qui est disponible, et ça leur a demandé du temps et de l'argent qu'il est difficile de reproduire ailleurs facilement en un laps de temps aussi réduit. La décision de transférer cette activité présente beaucoup d'inconvénients”, soutiennent ces spécialistes expliquant, à l'occasion, que l'argument de désengorger le port d'Alger ne tient absolument pas la route dans la mesure où les navires du type car-carriers, qui transportent les véhicules, ne posent aucun problème contrairement aux conteneurs. Les voitures une fois débarquées quittent aussitôt le port. “Les concessionnaires doivent tout reconstruire ailleurs, et ce n'est pas réalisable facilement. Ils vont donc connaître des moments très difficiles. Les gestionnaires des ports ne sont pas non plus habitués à cette activité, et il leur faut du temps aussi comme à tous les services qui interviennent dans les prestations portuaires”, nous ont-ils déclaré ; ce qui dénote la cacophonie qui peut résulter de cette précipitation. Les concessionnaires auront d'ailleurs du mal à s'organiser, surtout que les terrains qui entourent les ports sont dans la plupart des cas des terrains agricoles et des infrastructures routières qui ne favorisent pas l'acheminement des véhicules facilement comme, c'est le cas à partir du port de Djendjen, sans compter que les concessionnaires ont dépensé beaucoup d'argent dans la location des locaux et autres espaces dans Alger et sa périphérie. “Les raisons économiques invoquées ne peuvent être valables dans ce cas précis”, tranchent les spécialistes, argumentant que “les 700 millions de dollars évoqués par le ministre que l'Algérie paye annuellement en guise de dédommagement aux bateaux en rade sont loin de refléter la réalité, car la somme est beaucoup plus importante que cela, et c'est à l'inadaptation de nos instructeurs portuaires”, confient nos spécialistes qui évoquent à l'occasion le marasme de notre système portuaire. “Chaque année, l'Algérie reçoit quelque 10 000 navires, ce qui est très peu en soi et seuls 30% vont au port d'Alger”, ont-ils indiqué pour démontrer que ce n'est pas le volume du trafic qui est important, mais ce sont les ports qui sont inadéquats. “Il faut savoir que les importations en marchandises générales de tous les ports s'élèvent seulement à 26 millions de tonnes/an, alors que d'autres ports méditerranéens font chacun plus de trois fois ce montant et les coûts du fret restent très élevés. Le port de Marseille fait à lui seul 90 millions de tonnes”, diront-ils pour qualifier l'inadaptation de nos infrastructures portuaires.