À l'époque, l'anecdote faisait sourire les Algériens. Il y avait même un sentiment de condescendance à vouloir humilier les voisins tunisiens. C'était du temps de Habib Bourguiba, heureux propriétaire d'un pays qui s'appelle la Tunisie. Bourguiba se piquait de quelques velléités territoriales à propos de l'Algérie. Si Hassan II revendiquait Tindouf, et Kadhafi quelques millions de mètres carrés du Sud algérien, pourquoi se gênerait-il, lui, à réclamer Tébessa et même à pousser plus loin jusqu'à Constantine ? Et Bourguiba ne s'en est pas gêné. Dans un discours adressé à la nation, l'autocrate de Tunis n'a pas manqué de faire allusion à une prétendue souveraineté tunisienne sur les terres algériennes. Mal lui en a pris. La nouvelle finit inévitablement par arriver aux oreilles de Boumediene. Fallait-il convoquer l'ambassadeur tunisien en Algérie pour des explications ? Fallait-il dépêcher un émissaire au Palais de Carthage pour refroidir les ardeurs de Bourguiba ? Fallait-il lever l'armée pour envahir Tunis en deux heures ? Tout cela coûterait du temps et de l'argent. Il a juste fallu que Boumediene menace de couper le courant à partir d'Alger aux Tunisiens pour que ces derniers plongent dans le noir. Car, en ces temps-là, l'Algérie alimentait en électricité la Tunisie. En ces temps reculés, nous exportions la lumière chez nos voisins. La simple menace était donc suffisante. Dans une réplique devenue célèbre, Habib Bourguiba a dû ravaler ses appétits en déclarant : “Ahdarna klima, aâchina fi dhlima” (ce qui, sommairement, pourrait se traduire par : nous avons dit un petit mot, on s'est retrouvé dans le noir). L'Histoire a de ces cruels retournements ! Près de trente ans après, ce sont les Algériens qui vont se retrouver dans le noir, parce que la Sonelgaz n'est pas en mesure d'assurer une meilleure alimentation en énergie électrique à travers le territoire national. Et, comble de l'ironie, il n'est pas exclu que, demain, nous importions de l'électricité de chez nos voisins tunisiens pour subvenir à nos besoins. Il est préférable que Bouteflika s'abstienne de dire des méchancetés sur Zine El-Abidine Ben Ali et de son peuple. Le despote de Tunis serait capable, demain, de nous couper l'électricité et nous plonger “fi dhlima”. F. A.