Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a anéanti, jeudi, les espoirs nourris par de nombreux opérateurs nationaux et étrangers de voir le gouvernement aller, à la faveur de la loi de finances complémentaires 2010, dans le sens d'une suppression des dispositions qualifiées de « contraignantes » consignées dans la précédente LFC. Dans une déclaration faite à la presse, M. Djoudi a, en effet, signifié clairement que le gouvernement a décidé de ne pas faire changer de cap au pays au plan économique et de maintenir le crédit documentaire (crédoc) comme unique mode de financement des importations. « L'élaboration de la loi de finances complémentaire est terminée. Cette dernière réconforte la démarche engagée par le gouvernement particulièrement à travers les LFC 2008 et 2009. Cette loi consacre, notamment, la préférence nationale comme cela a été traduit par le nouveau code des marchés publics et le développement de l'outil de production nationale en vue de pouvoir substituer l'économie des revenus pétroliers. Le crédit documentaire (crédoc) restera le mode unique de financement des importations », a martelé M. Djoudi en marge de la cérémonie de clôture de la session de printemps du Conseil de la nation. Ces dernières semaines, les opérateurs économiques algériens, regroupés particulièrement au sein du Forum des chefs d'entreprises (FCE), ont fait un intense travail de lobbying dans l'optique de convaincre les autorités de l'utilité de lâcher du lest – notamment sur la question du crédoc et des investissements étrangers – pour, ont-ils argué, favoriser l'emploi, la reprise économique et surtout éviter l'asphyxie financière à de nombreuses PME. Relayé par un certains nombreux de chancelleries étrangères, le discours des industriels affiliés au FCE n'avait, selon de nombreux observateurs, aucune chance de trouver un écho favorable auprès du gouvernement dans la mesure où les relations de Réda Hamiani, le président du FCE, avec les décideurs politiques s'étaient déjà considérablement dégradées. Les arrière-pensées d'une démarche Le froid a commencé à s'installer entre les deux parties lorsque M. Hamiani avait notamment critiqué frontalement et de manière véhémente, au mois de mai dernier, les options économiques du gouvernement. Un gouvernement qu'il avait, par la même occasion, accusé d'être « fermé au débat ». Cette sortie avait d'ailleurs valu au président du FCE la démission de son organisation des patrons des entreprises publiques. Bien qu'ayant nuancé par la suite son discours sur les options économiques du gouvernement et applaudi à chaudes mains le nouveau code des marchés publics, Réda Hamiani payera quand même le prix de son « impertinence » ou de son « ingratitude », c'est selon, en voyant particulièrement se mettre en place, sous ses yeux, un projet de nouveau syndicat de patrons avec l'essentiel des effectifs du FCE. Les raisons de la reconduction par les autorités des principales dispositions des lois de finances 2008 et 2009 ne s'expliquent toutefois pas uniquement par la guéguerre qui a opposé le FCE au gouvernement. La décision de l'Exécutif de poursuivre la feuille de route économique tracée en 2008 et qui privilégie, avant tout, le développement de l'outil de production national émane, soutiennent certaines sources, du constat que l'économie du pays est trop dépendante des exportations de pétrole et que les investissements directs étrangers (IDE), contrairement à d'autres pays de la région, n'ont pas apporté le plus attendu en Algérie que ce soit en termes d'investissement, d'emploi ou de création de richesses. Pis encore, certaines entreprises privées sont même accusées de « siphonner » les devises du pays sans pour autant produire de la valeur ajoutée. Malgré la fermeté réitérée par le gouvernement Ouyahia dans la loi de finances complémentaire 2010, certains opérateurs économiques auront quand même de quoi se consoler. Il est prévu, en effet, que la LFC 2010 apporte un assouplissement dans le domaine du transfert libre de fonds à hauteur de 150 000 DA. A en croire certaines sources proches du ministère des Finances, il pourrait aussi en être de même pour le crédoc. Mais dans les deux cas, assure-t-on, ces assouplissements seront adossés à une politique du cas par cas.