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“On nous impose une technologie dépassée, qui n'a plus cours en Europe” Professeur Soukehal, épidémiologiste, chef de service à l'hôpital de Béni-Messous
Il fait la chasse aux microbes et aux déchets à risques infectieux dans nos hôpitaux. Chargé de mener une enquête pour le compte du ministère de la Santé sur les filières d'élimination des déchets d'activités de soins, il revient avec un constat des plus terribles. Liberté : Une mauvaise gestion des déchets d'activités de soins entraîne des risques très graves pour la santé et l'environnement. Or, nous constatons carrément chez nous une non-gestion des déchets hospitaliers. Pourquoi ? Professeur Soukehal : La notion de “déchets” en milieu de soins doit d'abord être cernée avant de parler de gestion de ces déchets. Est considéré comme déchet “toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire”. Dans un établissement de soins (santé publique ou privée), la problématique liée à la gestion des déchets d'activités de soins est devenue complexe et n'a pas été correctement prise en compte tant au plan législatif qu'au plan technique. Si au plan de la prise en charge thérapeutique des maladies, de grandes avancées ont été réalisées, au plan de la prévention et de la prise en charge des déchets d'activités de soins (DAS), tout reste à faire. Les DAS représentent tous les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine mais aussi de la médecine vétérinaire. Il est tant d'ouvrir ce grand dossier de la prise en charge des déchets d'activités de soins à risque qui portent atteinte à la santé de l'homme ainsi qu'à l'environnement : cette prise en charge nécessite la mise en œuvre de procédures, de protocoles et modes opératoires qui doivent intégrer l'ensemble des obligations législatives et réglementaires. Cette démarche, obligatoire pour les professionnels de santé et pour les établissements de soins s'inscrit dans le cadre d'une démarche qualité globale qui protège l'environnement et maîtrise le risque infectieux et toxique. La réalisation de cette étude nationale sur les déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri) instituée par la décision ministérielle de août 2006, montrant ainsi tout l'intérêt porté par les pouvoirs publics à ce problème de santé publique. Cette enquête a mis en évidence une non-gestion totale de cette filière aussi bien dans les structures de santé relevant du secteur public que du secteur privé. Vous avez mené, pour le compte du ministère de la Santé, une étude sur le sujet et vous revenez avec un constat effarant. Qu'est-ce qui vous a le plus interpellé ? Le terme “déchet” n'est pas connu et reconnu et le principe universel du “pollueur payeur” n'est pas appliqué. Les producteurs de déchets à risques ne se considèrent pas responsables des déchets qu'ils produisent. Ceci se traduit sur le terrain par une absence d'un matériel adapté pour l'élimination des Dasri, par l'absence de consommables répondant aux normes, et par voie de conséquence par non-application de protocole. Face aux maladies émergentes et réémergentes, la gestion du risque infectieux est inexistante. Quelle est l'efficacité du matériel disponible d'incinération de ces déchets ? Le constat réalisé à travers notre enquête a été double. Les résultats obtenus portant sur l'élimination des déchets d'activités de soins ont montré que le matériel d'incinération installé dans l'enceinte même des hôpitaux est en contradiction même avec la loi. Ce matériel est constitué de brûleurs obsolètes, polluants et dangereux pour les malades hospitalisés, pour le personnel de santé qui exerce dans l'établissement, pour les visiteurs, les riverains et pour l'environnement urbain. Leur installation in situ n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact sur l'environnement et cette installation n'est pas en conformité avec les textes. Pour rappel, dans toute l'Europe, tous les incinérateurs pour déchets d'activités de soins, quelle que soit leur technologie, n'existent plus dans l'enceinte des établissements de santé. Ils ont été externalisés et unis en activités dans le cadre d'usine d'incinération industrielle de déchets ménagers, d'activités de soins et des déchets industriels. En Algérie, nous imposons encore dans le cadre de la prévention, une technologie dépassée, obsolète qui n'a plus cours en Europe car cette technique ne fait que transformer le Dasri en Drct. La réforme hospitalière doit s'inscrire dans le cadre d'une démarche qualité englobant le préventif, le curatif, le suivi et le palliatif. Est-ce que tous les hôpitaux en sont dotés ? Et qu'en est-il du traitement des déchets des structures privées de santé ? Notre enquête a montré qu'en plus du caractère obsolète du matériel en place, 45% de ce type de matériel est en panne ; constatant par-là même une non-gestion du risque infectieux au niveau des déchets d'activités de soins dont le volume quotidien élevé est en moyenne de 1 kg par lit et par jour. Dans cette moyenne s'inscrivent les Dasri éliminés par les centres d'hémodialyse qui représentent 2 kg par séance, soit 6 kg de Dasri par semaine et les services de maternité qui éliminent 900g/kg de Dasri par accouchement (le placenta est un Dasri). Le secteur privé n'a pas encore pris en compte cet aspect lié aux déchets d'activités de soins, et leur élimination se fait sans respect de l'écologie hospitalière de l'environnement et sans respect des normes imposées par la réglementation en vigueur. Quelles actions faut-il mettre en œuvre immédiatement pour minimiser les risques ? Afin de maîtriser les différents risques induits par les déchets d'activités de soins, il convient de mettre immédiatement en œuvre, un programme de gestion des risques dans tous les établissements de santé. Les risques principaux induits par les déchets se caractérisent par le risque physique (en particulier coupures et piqûres accidentelles), le risque biologique (risque infectieux et risque de contamination), le risque chimique-toxique, le risque radioactif, le risque éco-toxique et enfin le risque de violation du respect de la vie privée du patient ou des travailleurs de la santé. Faire face à ces risques, c'est organiser les filières des DAS dans le respect des procédures tant au niveau des couleurs de chaque filière avec conditionnement dans un emballage de couleur biohazard pour les Dasri et répondant à la norme NFX 30-500 et NFX 30-501. Emballage de couleur rouge pour les Drct (déchets à risques chimique et toxique), emballage de couleur verte pour les organes et pièces anatomiques reconnaissables. Emballage noir pour les déchets assimilés à des ordures ménagères (Daom), emballage transparent pour les déchets radioactifs pour le biohazard radioactif. La filière d'élimination doit se décliner autour de 5 axes pratiques parfaitement codifiés. Le tri à la source qui est obligatoire et qui permet de séparer les catégories de déchets et de les constituer dans la filière spécifique. L'entreposage qui doit obéir à des règles précises. Le transport qui doit être adapté au transport des matières dangereuses par route. Leur destruction in situ dans le respect de l'écologie hospitalière et leur élimination ultime. Quelle sera la solution pour l'avenir ? À l'heure actuelle, un intérêt important est manifesté par des techniques intra-hospitalières qui permettent de déclasser les déchets d'une classe de danger élevé vers une classe de danger moins élevé. Ainsi, les Dasri sont stérilisés, transformés, modifiés dans leur apparence afin de les transformer en Daom. Cette technique fait appel : - Au procédé Ecodas : il comprend un équipement qui permet de stériliser les Dasri par la vapeur d'eau et de les broyer afin de les transformer en Daom inoffensifs. - Au procédé Sterigerms comprend un équipement qui permet de stériliser les Dasri par la chaleur (stérilisation thermique) et de les compresser afin d'en réduire le volume et transformer les Dasri en une galette inoffensive qui sera éliminée dans la même filière que les Daom. Tous les aspects liés à l'écologie hospitalière seront ainsi préservés. Les Drct, il s'agit pour l'essentiel des déchets de laboratoires et de pharmacie et une grande partie se présente sous forme liquide, leur élimination ne peut se faire que dans des établissements classés au titre “des installations classées”, leur traitement ultime ne peut être qu'externalisé.