Le Caire, Amman et d'autres capitales arabes plus hypocrites qui se sont contentées de bureaux de liaison avec Israël devraient s'inspirer de l'exemple turc. Ce qui est nouveau dans la région, c'est le coup de froid entre Israël et la Turquie, deux pays très liés militairement avec un accord stratégique conclu sous la houlette des Etats-Unis. Les relations entre les deux pays se sont fortement dégradées lors des derniers mois, plus exactement depuis que la présidence de la République turque est assumée par l'ex-numéro deux du parti islamiste au pouvoir. La situation s'est même dégradée au point que les manœuvres militaires aériennes internationales qui devaient avoir lieu le 12 octobre en Turquie ont été reportées car Ankara a décidé d'exclure Israël des exercices. Les Etats-Unis et d'autres pays de l'Otan comme l'Italie ont annoncé qu'ils renonçaient à prendre part à l'exercice. Et ce n'est pas un simple coup de tête. La décision d'Ankara fait suite au geste de colère du Premier ministre turc, Tayyip Erdogan, au forum économique de Davos en janvier 2009, qui a quitté l'assemblée après un accrochage verbal avec le président israélien Shimon Peres. En réalité, les relations entre les deux pays avaient commencé à se distendre fin 2008, lorsque Israël avait réoccupé Gaza pour y commettre des crimes contre l'humanité que même l'Onu lui reproche aujourd'hui. Depuis, les critiques de la Turquie contre Israël ont amplifié. Israël a toujours cru en sa bonne étoile avec le pays de l'ex-porte sublime. Ses dirigeants ont toujours soigné leurs "excellentes" relations avec la Turquie qui a été le premier pays musulman à reconnaître Israël en 1949. Israël a même cru que la visite d'Etat de Shimon Peres en novembre 2007 et son intervention au Parlement turc, en hébreu, devaient marquer un tournant historique : jamais chef d'Etat israélien n'avait été invité à prendre la parole à la tribune du Parlement d'un pays musulman. Dans ses relations privilégiées avec la Turquie, Israël a tiré d'abord des intérêts symboliques car il s'agit du seul Etat musulman se comportant ouvertement en allié et ensuite, des intérêts stratégiques puisque l'accord de coopération et d'échange de technologie, signé en 1966, permet à l'aviation de Tsahal d'étendre son espace aérien et de s'entraîner dans des bases turques voisines de la Syrie. Cet accord n'a jamais été remis en cause malgré l'arrivée des islamistes au pouvoir grâce au poids politique de l'armée turque. En contre-partie, Ankara gagnait sur le plan économique avec notamment un apport financier important généré par le tourisme de masse de centaines de milliers d'Israéliens s'expatriant parfois pour un simple week-end à la recherche de dépaysement. La Turquie fournit par ailleurs en eau Israël qui ne se satisfait plus des réserves du sud Liban, de la partie syrienne occupée et des eaux souterraines de la Cisjordanie. Et puis Israël s'est présenté comme un intercesseur entre Ankara et Paris pour convaincre le président français de lâcher du lest dans son refus systématique à l'entrée des Turcs au sein de l'UE. Peres a plaidé la cause devant Sarkozy à Paris cette année encore expliquant à Sarkozy que son refus pousserait irrémédiablement la Turquie vers le camp islamique. La Turquie a élargi son horizon. Fini l'exclusif avec Israël, Ankara s'est rapproché de ses voisins et même de l'Iran dont le président, Ahmadinejad, ennemi juré des Israéliens, a fait une visite de 2 jours en Turquie en août, à l'invitation de son homologue Abdullah Gûl. Un exemple dont devrait s'inspirer les régimes arabes qui ont tissé des relations avec Israël.