Nour Eddine Saïl, le directeur du Centre cinématographique marocain, également grand cinéaste et visionnaire, revient dans cet entretien sur l'importance du court-métrage dans la relance du cinéma dans un pays. Liberté : Cette septième édition est placée sous le signe de la continuité… Nour Eddine Saïl : Vous savez, ce festival a débuté en 2002 et s'est arrêté en 2003. Nous l'avons repris en 2004 et on est partis de très peu de choses. Un festival qui démarre n'a pas automatiquement la confiance des réalisateurs. Il n'était pas connu, on l'a commencé avec des pays qui produisent des courts-métrages (…). Ce qui est curieux, c'est que le développement du festival a accompagné le développement du court-métrage au Maroc. La progression de la qualité des courts-métrages produits chaque année au Maroc constitue la continuité du festival. Continuité implique accompagnement de la production du court-métrage, et une meilleure organisation. Au fil des ans, l'équipe, qui est pratiquement la même a appris à mieux gérer un festival, à mieux choisir les produits… La répartition géographique a été aussi élargie. Au bout de sept ans, on assiste à la participation de 20 pays de la Méditerranée, ce qu'il y a de plus vivant aujourd'hui dans la jeunesse méditerranéenne que ce soit au Maroc, en Algérie, en Tunisie, au Liban, en Syrie, en Serbie. Pour nous, c'est quelque chose d'assez important, nous ouvrons les portes à ceux qui ne sont pas encore totalement reconnus, parfois loin de l'être. Et c'est un plaisir de constater que sur ces sept ans, nous avons accompagné quelques réalisateurs du statut du premier ou second court-métrage à celui du premier ou second long-métrage. Voilà en quoi consiste la continuité. Comment se fait la sélection des films en compétition ? La sélection se fait par un comité qui travaille pratiquement toute l'année. Les critères d'une commission sont objectifs et subjectifs. Objectivement, ces films doivent être correctement filmés, avoir des idées de base qui font un bon scénario de court-métrage. C'est déjà la matrice de ce qui pourrait plus tard faire un long-métrage. Il y a aussi les qualités techniques, stylistiques, narratives, mais il n'en reste pas moins que quatre ou cinq personnes qui, durant toute l'année, repèrent des films et les voient, cela reste aussi très porteur de subjectivité. Et c'est la loi du jeu. Il faut vraiment donner dans tous les pays de la Méditerranée sa chance à tout le monde même pour des films qui ne seraient pas totalement accomplis. On dit que le court-métrage ne vit que par les festivals ? C'est malheureusement la dure loi du marché. Que ce soit ici ou ailleurs. En France, on produit 400 courts-métrages par ans, mais où peut-on voir ces films ? Dans très peu de lieux. Certaines salles en France, en Espagne, en Italie continuent, mais elles sont de plus en plus rares, à montrer en première partie des courts métrages. Au Maroc aussi, mais il n'y a pas d'obligation. La visibilité commerciale du court-métrage est minime. En revanche, ne serait-ce qu'au Maroc, nous avons une dizaine de festivals du court-métrage qui montrent ces films, non seulement à la population concernée, mais aussi aux jeunes désireux de faire des films. Il y a aussi les festivals internationaux, ça contribue à “travailler” le moral des cinéastes. En tout cas, pour nous, je peux vous assurer que depuis que le court-métrage est ouvert à ceux qui ont envie de faire des films, nous assistons à non seulement une renaissance de l'art cinématographique au Maroc, mais aussi à une résurrection du travail de réalisateur au niveau du long-métrage. Parce que ceux qui viennent du court sont en train de pousser… Donc selon vous, le court-métrage a un bel avenir ? Il a un avenir magnifique ! Nous sommes très fiers d'atteindre bientôt les cent courts-métrages et les quinze ou dix-huit longs-métrages par an !