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Court métrage-Festival méditerranéen de Tanger : « What a wonderful world ! »
Publié dans El Watan le 22 - 10 - 2009

Le titre du dernier film de Faouzi Bensaïdi convient, on ne peut mieux, à cette 7e édition qui vient de baisser ses rideaux. Une semaine durant, sacrée capitale méditerranéenne du court métrage, la ville aux mille visages a accueilli, sans mondanité, ni faste inutile et tapis rouge, les jeunes créateurs, artistes et critiques du 7e art méditerranéen ainsi que des invités venus d'une vingtaine de pays.
Quel insigne honneur et quel redoutable privilège pour la Perle du détroit ! Prouvant encore une fois que le film court ne manque pas de créateurs, de talents, de compétences, ni de savoir-faire, la capitale du Nord n'a pas hésité à inscrire, en compétition officielle, 58 films de fiction inédits, en plus de la sélection du panorama spécial des films courts marocains (65 films produits depuis la précédente édition ! ), des projections itinérantes et des films des écoles de cinéma. La mission n'a certainement pas été facile pour le jury international éclectique composé de grands noms du cinéma, qui a fini par décerner trois prestigieux prix : le Grand prix de Tanger, le Prix du jury et enfin le Prix du scénario, attribués respectivement à Alexandra Grau De Sola (France), Claudia Vrejao (Portugal) et Constantinos Yialourides (Chypre-Grèce). Les cinéastes en herbe maghrébins, qui se sont nettement distingués ces dernières années dans le genre avec des films de haute facture, n'ont malheureusement eu droit à aucune distinction. Comme dans tous les festivals de par le monde, les avis sur le palmarès divergent. L'avis des « spécialistes » est rarement celui du grand public. Et c'est normal ! Le regard n'est pas le même et les référents culturels ne coïncident pas. Cela dit, les films non primés ne sont pas forcément mauvais et les films primés ne sont pas toujours les meilleurs.
A l'instar de Clermont Ferrand, Oberhausen, Rome, Bruxelles, Cracovie, Karlovy Vary, Tampere, Lisbonne et Huesca, grandes métropoles du cinéma consacrant le film court, Tanger, célèbre par ses bâtisses et ses habitants, comme le dit la chanson, est désormais la ville phare du court métrage méditerranéen. Genre sous- estimé et toujours appréhendé comme mineur sous certains cieux, il a permis à nombre de cinéastes d'émerger et d'accéder à la notoriété. Malgré les obstacles à la production, de nouvelles générations pointent le bout du nez. La qualité de la programmation, saluée unanimement, prouve, à l'évidence, que le vivier est toujours prometteur. Les véritables problèmes qui se posent, nous confie le distributeur Benkirane, ce sont l'étroitesse du marché et surtout la sclérose des circuits de diffusion. Enjeux économiques donc, outre les enjeux techniques, thématiques, esthétiques et politiques, guère négligeables. Le réalisateur d'un court métrage subit, certes, moins de pression que le candidat au long métrage. La chape de plomb n'est pas la même. Mais les conditions de production, le peu de moyens techniques et logistiques constituent des limites expressives. Le cinéaste en herbe doit faire preuve d'ingéniosité et de savoir-faire, tout en étant précis et efficace. Avec Ma poubelle géante d'Uda Benyamina, un film plein de fraîcheur et d'intelligence, Ma pomme de Kaouthar Darid, plein de subtilité et d'originalité, et surtout Poupiya et Fatma de Samia Cherkioui, on peut dire que la gent féminine relève à merveille le drapeau cinéphilique marocain. On peut également citer Tamalout de Kaouthar Darid, L'Autre de Rita El Kessar et Chapitre dernier de Jihane El Bahhar.
Le rapprochement des imaginaires
Une certaine vision sur l'art et sur le monde qui les entoure se dégage aussi de l'excellente prestation des Algériens Sabrina Draoui (avec Goulili) et Khaled Benaïssa (avec Ils se sont tus). Ces deux premiers films, jugés plus qu'honorables, continuent à récolter des prix sous toutes les latitudes. Longuement applaudi également Allo Pizza de Mourad Khaloui, L'Affectation de Khalid et Redouane Fadel, 29 + 1 de la Jordanienne Dana Marie et Barbe à Papa de l'Espagnol Aritz Moréna. N'oublions pas, enfin, les travaux des étudiants des trois Ecoles de cinéma marocaines (ESAV de Marrakech, Institut de Ouarzazate, Ecole de Rabat) qui, loin de laisser indifférents, annoncent déjà les tendances futures.
L'intérêt premier d'un festival est de promouvoir le cinéma dans sa diversité, de faciliter les échanges et la circulation des œuvres et des idées et de privilégier les regards nouveaux d'auteurs méconnus ou peu connus du grand public. Consacré aux films courts, un festival permet aussi d'établir un état des lieux, de montrer ce qui se fait ailleurs et de confronter des expériences. Vecteur de rapprochement des imaginaires et d'affermissement des relations entre citoyens de sphères géographiques différentes, il peut aussi contribuer au rapprochement des peuples et des cultures.
En réunissant des jeunes créateurs et artistes, des décideurs et des distributeurs, un festival peut constituer une opportunité culturelle à même de contribuer à la promotion et à la distribution de projets communs. Mais quelle que soit l'importance d'un festival, il ne peut en aucune manière résoudre les graves problèmes que rencontre le film court pour émerger au grand jour. Les cinématographies méditerranéennes, et plus particulièrement maghrébines, accusent un lourd déficit en matière de formation, de production et de diffusion. A l'exception de certains festivals qui contribuent à sa promotion et de rares chaînes télé qui le programment, le CM est négligé, ce qui le rend quasiment invisible pour le grand public. L'histoire du CM au Maroc est riche de cinéastes importants. De grands noms du cinéma, issus de ce creuset (Nabil Ayouch, Leïla Marrakchi, Yasmine Kassari, Hichem Lasri, Nour-eddine Lakhmari, Jamal Belmejdoub…), témoignent de la fascinante richesse de cette cinématographie en plein essor, qui s'est dotée d'un ambitieux organisme public d'aide au cinéma.
Tanger, qui regroupe tous ceux qui s'intéressent aux courts métrages – professionnels et spectateurs –, offre parallèlement aux projections, l'opportunité de s'informer et d'engager des réflexions autour des perspectives de ce genre. Désormais rendez-vous incontournable des futurs professionnels du 7e art, la rencontre a été une réussite grâce à la mise en synergie de professionnels confirmés. L'implication totale des autorités locales, du mouvement associatif et des habitants de la ville a aussi été un gage de réussite. La manifestation s'est déroulée dans une simplicité totale à l'image du créateur de l'événement, Nour Eddine Saïl, directeur du CCM. De l'avis des participants, cette édition a comblé leurs espérances. Avec ce grand événement culturel, Tanger s'est positionnée comme capitale du film court. Avec son soleil garanti et mieux encore, l'accueil chaleureux de ses habitants, la délicieuse cité, à l'extrême limite du continent, atteint une renommée internationale.
En dehors des salles obscures, Tanja El Alia, sait faire partager son plaisir au plus grand nombre. Les Tanjaouis, qui participent massivement à l'événement, ne sont pas prêts d'oublier ces merveilleuses journées. Une participation exceptionnelle, une sélection de haut niveau, un panorama, des salles de projections et de conférences pleine à craquer, des rétrospectives d'auteurs à côté des films récents, des tables rondes thématiques, des débats pertinents au terme des projections, traduisent le renouveau thématique et stylistique. Véritable bouffée d'air frais, ce 7e rendez-vous, auquel ont pris part de nombreux cinéastes et critiques maghrébins et moyen-orientaux, a gagné en maturité. Il ne pourra, dans l'avenir, que se déployer encore plus et s'inscrire dans la durée.


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