Il est rassurant de voir certains de nos titres de presse ouvrir leurs colonnes à des universitaires et spécialistes. Ces contributions sont censées éclairer les profanes sur tel ou tel enjeu ou expliquer, avec pédagogie, des concepts sujets à interprétation. Leur arbitrage est décisif dans les débats – voire dans les polémiques – entre profanes autour de questions à soubassements scientifiques. Pour ces raisons, leur avis était très attendu pour élucider les tenants et les aboutissants des turbulences occasionnées par la nouvelle organisation de l'année scolaire. Les rares universitaires qui se sont prononcés sont pour la plupart des sociologues. Aucun spécialiste en sciences de l'éducation, notamment parmi ceux versés dans le créneau des rythmes scolaires n'est intervenu sur la scène médiatique. Même s'ils ne sont pas légion, il en existe au sein de laboratoires de recherche de certaines universités du pays. Passons sur ce silence pesant. Revenons aux propos disponibles dans la presse nationale. Nous avons entendu à maintes reprises parler de “surcharge des programmes”. Un universitaire a même parlé de “la charge trop lourde des programmes”. Mais qu'est-ce qu'un programme scolaire si ce n'est qu'il comporte – entre autres – un listing de chapitres de leçons à dispenser par l'enseignant et à assimiler par l'élève ? En d'autres termes, un cahier des charges pour le processus d'enseignement/apprentissage du niveau concerné. Sûrement que le sociologue interviewé avait dans son esprit le mot “surcharge des programmes”. Le lecteur non initié se dira “voici un justificatif scientifique aux choses qui se racontent ici et là autour de la surcharge des programmes”. Pour lui, la messe est dite, alors qu'aucun argument n'est venu étayer les affirmations de l'interviewé. Ce qui est bien dommage. En réalité, les programmes scolaires sont de conception universelle notamment dans les disciplines scientifiques. Le nombre et l'intitulé des leçons de mathématiques, de physique, technologie ou de sciences “programmées” dans les établissements scolaires d'Algérie sont quasiment les mêmes que dans les tous pays du monde. Il n'y a pas de mathématiques, ni de sciences spécifiques à notre pays. En fait foi l'existence d'une évaluation à l'échelle mondiale et d'Olympiades dans ce type de disciplines. Il n'est pas dans notre intention de nier ou de contourner l'existence de ce malaise récurrent qui a amené les élèves de terminale à sortir dans la rue en janvier 2008. Mais est-ce que les vraies questions ont été posées et les facteurs décisifs cernés ? Pas sûr. Ne voilà-t-il pas que, malgré les allégements opérés par la commission de suivi des programmes scolaires installée en septembre 2007, des voix s'élèvent en septembre 2009 pour “dénoncer la surcharge des programmes scolaires” ? Jusqu'où alléger ? Jusqu'à transformer en peau de chagrin des programmes (ceux des disciplines scientifiques et techniques) élaborés sur des normes internationales ? Le premier facteur à incriminer – et il est de taille – se situe au volume horaire annuel alloué aux apprentissages (heures de cours effectifs), à savoir le nombre de semaines passées par l'élève en salle de classe. Comparés à leurs pairs des autres pays, nos élèves souffrent d'un déficit en semaines de cours. Au niveau mondial, la moyenne varie de 35 semaines (Maroc, Tunisie) à 40 semaines en Occident, excepté la France. Chez nous, l'année scolaire pointe sa fin avant la clôture de la 27e semaine. Nous parlons de 27 semaines, officiellement planifiées, auxquelles il y a lieu de retrancher les nombreux jours fériés et les journées “clandestines des ponts'' de fêtes. Faites les comptes ! Une durée nettement insuffisante pour prétendre aux mêmes performances des élèves anglais ou chinois. Dans les faits, les élèves sont “encouragés'' à déserter les salles de classe une fois bouclée la dernière composition du troisième trimestre. D'où le triste spectacle, vers la mi-mai, de ces élèves qui s'éparpillent dans l'espace extra-scolaire. Pour aller où ?... Une réalité dénoncée par la presse et les parents et que le MEN a tenté de juguler depuis quelques années. Enjeux et contraintes Afin de mettre fin à cette anomalie, la loi d'orientation sur l'éducation nationale (adoptée le 23 Janvier 2008) a fixé la durée de l'année scolaire “à 32 semaines au minimum”. Dans le sillage de cette loi et pour être en phase avec la tendance mondiale, le MEN a pris la décision d'une rallonge conséquente à l'année scolaire. Elle est de 35 semaines, à partir de cette année. La levée de boucliers constatée depuis cette annonce a de quoi laisser perplexe. Elles sont légitimes les préoccupations des parents dont les enfants font face à des contraintes de transport ou de restauration. Par contre, inexplicables sont les positions de certains cercles. Auparavant déjà, ces derniers se sont plaints de la “surcharge des programmes'' et des difficultés à les boucler avant terme. Recevable, cet argument quand il s'agissait d'une année scolaire à 27 semaines (et moins). Mais comment expliquer le maintien de cette position au moment où survient une rallonge de 8 semaines. N'est-elle pas conçue (cette rallonge) pour offrir le temps nécessaire au sacro-saint bouclage des programmes ? Elle permet aussi de mieux s'adonner aux révisions, à la préparation aux examens (en classe et non en dehors). Autre avantage à puiser de cette réorganisation de l'année scolaire : effectuer les corrections et les comptes rendus des compositions du troisième trimestre, d'ailleurs rarement effectués par le passé. Qui s'est soucié de cette privation de droit dont ont été victimes nos élèves – le droit à la correction/compte rendu, le droit à la phase de révision/préparation. Quand on sait la valeur pédagogique et formatrice des corrections collectives et individuelles, des révisions préparatoires aux examens, on ne peut que se réjouir de voir les élèves algériens disposer du même nombre de semaines que leurs camarades dans les autres pays. Dans le fond, le principe de cette décision de réorganisation de l'année scolaire (à 35 semaines) est inattaquable. Faut-il souligner qu'elle a un soubassement scientifique et pédagogique sans lequel les pays développés ne l'auraient jamais adoptée ? Toutefois, son application dans des conditions particulières a quelque peu perturbé la sérénité des usagers de l'école. Nous citerons deux écueils : la double vacation dans des établissements scolaires, due essentiellement à l'incapacité du secteur de la construction de répondre avec célérité aux demandes en infrastructures scolaires ; les redoublements, voire triplement d'élèves de fin de cycle faute de place d'accueil en formation professionnelle. À l'évidence, des mesures d'accompagnement sont inéluctables à court ou moyen terme. Elles se dessinent en filigrane dans l'esprit de la réforme qui se veut soumise à un dispositif permanent d'évaluation. Dispositif qui nous l'espérons, débusquera les fausses notes et apportera les solutions adéquates. À coup sûr, c'est vers une refonte de l'organisation pédagogique de nos établissements scolaires que nous mène cette mise à niveau aux normes internationales. De cette refonte naîtront les solutions radicales aux problèmes récurrents que nous vivons chaque année. Là se nichent les enjeux futurs. Ils ont pour noms : la réduction de la durée de la leçon sous l'impulsion de l'usage des TIC, la redéfinition de la nomenclature des disciplines à enseigner avec des horaires appropriés, la synchronisation des contenus des manuels avec les programmes scolaires et ce, par un affinement des cahiers des charges s'y rapportant (ne pas confondre programme et manuel), la réhabilitation statutaire de certains enseignements tels que l'EPS et l'éducation artistique et esthétique. À la clé, l'élève algérien aura de la motivation pour les études. Le problème d'horaires ne se posera pas en termes de contrainte mais en termes de qualité des activités proposées. Quand il est soumis à un régime pédagogique attrayant, centré sur ses intérêts et ses besoins, l'élève ne voit pas le temps passer. Surtout lorsqu'il est entre les mains d'un éducateur consciencieux, dévoué au nom de la réussite et de l'épanouissement de ses ouailles. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de conclure par le bon sens populaire : “Eviter de jeter le bébé avec l'eau du bain”. L'année à 35 semaines (et plus si nécessaire) impose ses vérités partout dans le monde. Il ne sert à rien de s'y opposer… à moins d'avoir des desseins autres que purement pédagogiques.