L'Africom est-elle une idée viable ? C'est pour défendre la stratégie militaire américaine en Afrique que l'ambassadrice Vicki Huddlestone, sous-secrétaire adjoint pour l'Afrique au département américain de la Défense, a passé 48 heures à Alger. Une visite aux contours toujours secrets. Considérée comme la numéro 3 du Pentagone — le ministère américain de la Défense — Mme Huddlestone est ce qu'on peut appeler une pointure de niveau international. Ambassadeur en Ethiopie, à Madagascar, au Mali ou chef de la diplomatie US à Cuba, c'est une diplomate qui a un CV aussi long qu'une étape du Paris-Dakar qui est venue sonder les militaires et les politiques algériens. “Le rôle de l'Africom est de travailler avec les différents gouvernements africains afin d'améliorer leur action face aux activités illicites comme le terrorisme et le trafic de drogue (…)”, résume-t-elle, lors d'un point de presse météorique à l'ambassade des Etats-Unis à Alger. Expliquer et convaincre. C'est pour cette raison que cette ambassadrice qui ne manque ni de charme ni de clarté a été dépêchée à Alger pour des rencontres avec le ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale, Abdelmalek Guenaïzia, ou le ministre chargé des Affaires africaines, Abdelkader Messahel. Des interlocuteurs incontournables à Alger si l'on veut aborder l'épineuse question de l'Africom au Sahel. Car en filigrane de cette visite, le Sahel et Al-Qaïda sont les sujets qui agitent l'administration américaine. Et pour ne pas s'aliéner l'appui de pays comme l'Algérie, l'ambassadrice esquive la lancinante question de l'installation d'une base américaine en Afrique ou dans le Sahel. “On n'a aucune intention d'installer une base dans aucun pays africain. Nous avons décidé de garder le commandement de l'Africom à Stuttgart et nous ne cherchons pas à imposer une base”, admet Mme Huddlestone. “Le GSPC est en sous effectif” Il faut dire qu'après avoir été lancée en fanfare, l'Africom a subi des coups d'arrêt en Afrique. Certains Etats africains avaient réagi négativement à l'idée d'une implantation militaire américaine sur leur sol avec ce que cela suppose comme problèmes sécuritaires. Une crainte dissipée par le discours d'Obama à Accra qui plaidait pour “une Afrique aux Africains”. Le lexique du Pentagone a depuis lors changé en mettant en avant des mots comme “coopération”, “assistance”, “formation” ou “adhésion” à l'Africom. C'est dans cet état d'esprit que l'ambassadrice américaine est venue prêcher pour de nouvelles perspectives de coopération avec Alger qu'elle considère comme un pays “dont les Etats-Unis apprécient le rôle productif, utile et adéquat dans la région, notamment face au terrorisme au Maghreb et au nord du Mali”. À une question sur le peu de volonté du gouvernement malien à traquer Al-Qaïda dans cette zone, Mme Huddlestone retrouve son accent diplomatique. “Nous souhaitons davantage de volonté politique de la part des gouvernements de ces pays qui débouchera à terme sur le sommet de Bamako, (…) il faut dire que le recrutement en Afrique subsaharienne du GSPC depuis 2003 est faible. Ils ont peu d'effectifs et n'ont pas pu entraîner les tribus touarègues car ces tribus ne croient pas à leur idéologie (….)”, dit-elle. Rompue aux coutumes des tribus du Sahel du temps où elle était ambassadrice à Bamako, Mme Huddlestone avait même distribué des cartes de visite qui se sont retrouvées entre les mains d'autochtones surpris. Vers quel sommet de Bamako ! En décryptant ses propos, on imagine bien que la tâche des Américains est difficile pour rapprocher les points de vue des pays du Sahel, notamment le dialogue militaire entre Alger et Bamako qui n'est pas au mieux. Même si l'ANP a apporté récemment une aide logistique à une armée malienne qui se dit sous-équipée. Car comment expliquer que ces tribus touarègues ont été désarmées, suite à l'accord d'Alger, alors qu'elles commençaient à donner du fil à retordre à Al-Qaïda au Sahel ? Comment peut-on éliminer ce groupe terroriste, qui est en sous effectif, alors que des canaux de dialogue sont entretenus par Bamako pour discuter des rançons des prises d'otages ? Comment, enfin, peut-on convaincre le président ATT d'avoir une politique énergique contre le terrorisme sans qu'il ne justifie, à chaque fois, par le manque de moyens militaires alors que ses voisins, le Niger et la Mauritanie, combattent Al-Qaïda avec encore moins de moyens que le Mali ? Ces questions qui fâchent n'ont pu être abordées car l'ambassadrice américaine était pressée de prendre son avion. Et ses réponses étaient trop méticuleuses par souci de ne pas se mettre à dos aucun pays en particulier. “Ce que j'ai demandé aux Algériens est de poursuivre sur la base de coopération car il y a une inquiétude sur la propagation du terrorisme au Sahel et en Afrique de l'Ouest (…)”. Cette inquiétude semble ne pas avoir été dissipée par sa visite qui semble préparatoire à d'autres évènements. Au MDN, elle avait discuté sur la coopération militaire et technologique. Il faut dire que l'appréhension des Américains est que le Sahel devienne un nouveau Waziristân. Cocktail de tribus indisciplinées, d'idéologie salafiste et d'Etats complices des agissements terroristes. Une configuration qui donne des migraines à l'état-major américain qui veut avoir sous sa coupe des armées du Sahel, formées par ses soins. Un scénario qui ne peut que donner d'autres justificatifs aux groupes terroristes pour proclamer le “djihad” contre “l'ennemi américain” qui viendrait “coloniser” cette partie de la bande subsaharienne. Mounir B.