La politique pro-marocaine de l'ancien chef de gouvernement espagnol, Felipe Gonzáles, dans le conflit du Sahara occidental, poursuivie jusqu'à maintenant par Jose Luiz Zapatero, est dénoncée par le chercheur espagnol Carlos Ruiz Miguel, qui en divulgue ici tous les manœuvres et mensonges. Felipe González Márquez ment. Le 26 septembre de l'année en cours, Felipe González versa quelques propos sur le Maroc et le Sahara occidental — heureusement enregistrés en vidéo — qu'on ne pourrait en aucune façon qualifier d'“erreurs”. Ce sont des mensonges. Vu l'antipathie manifeste entre Felipe González et José Luis Rodríguez Zapatero, on se demande pourquoi Rodríguez Zapatero mène à bout la politique de González — qu'il hait — en ce qui concerne le Sahara et le Maroc. Une politique basée sur des mensonges. En voilà la démonstration : Felipe González se trouvait aux camps sahraouis de Tindouf le 14 novembre 1976. C'est là qu'il prononça le discours qu'on peut écouter dans cette vidéo (00:45). Il fit, entre autres, les considérations suivantes : - “Le peuple sahraoui va vaincre, non seulement parce qu'il a raison, mais aussi parce qu'il a la volonté de lutter pour sa liberté.” (1:02 a 1:14). - “La plupart du peuple espagnol, ce qu'il y a de plus noble et de meilleur dans le peuple espagnol est solidaire avec votre combat.” (1:16 a 1:26). - “En tant qu'une partie du peuple espagnol, nous avons honte (sic) que le gouvernement n'ai pas seulement fait une mauvaise colonisation, mais une plus mauvaise encore décolonisation, en vous livrant aux mains de gouvernements réactionnaires comme le sont ceux du Maroc et de la Mauritanie.” (1:36 a 1:53). - “Nous savons que votre expérience est d'avoir reçu beaucoup de promesses jamais accomplies. Ne rien vous promettre (sic), mais m'engager devant l'histoire : notre parti vous soutiendra jusqu'à la victoire finale.” (2:35 a 2:51). 33 ans se sont écoulés. Il serait injuste de dire que Felipe González vient de changer, mais je n'ai pas conscience qu'il y eût un document semblable recueillant sa position actuelle. Dans son blog, indispensable pour connaître la réalité du Maroc “profond”, Luis de Vega reproduit en vidéo une intervention de Felipe González d'à peine quelques jours, le 26 septembre, dans la salle de conférences de Caixaforum à Madrid, au cours d'un débat inscrit dans le cycle “À la frontière : dialogues d'un monde qui change”. Dans cette vidéo (disponible également à cette adresse), Felipe González a dit ce qui suit : 1º. “Je ne vois pas où est la spoliation des ressources naturelles qui ruine le Sahara, parce que, vraiment, il n'y a pas d'activité économique au Sahara. Non, aucune. Bon, celle qu'il y a est absolument marginale par rapport aux richesses du sous-sol au Sahara (…) il n'y a pas de spoliation de ressources parce qu'il n'y a aucune activité économique. Eh bien, non !” (1:19 a 1:36 et 3:54 a 3:;58). 2º. “Le Maroc, qui est un pays envers lequel je ressens une sympathie – et je ne dois rien au Maroc, rien, malgré les bêtises qu'on entend des fois —.” (1:37 a 1:46). 3º. “Le pays ayant un plus grand espace de liberté que je connaisse dans le monde arabe, y inclues les autorités du Sahara occidental, s'appelle le Maroc…” (1:51 a 1:58 et 2:16 a 2:21). 4º. “Ce avec quoi je suis tout à fait d'accord : une forte autonomie sahraouie qui leur permettrait d'être ce que beaucoup d'entre eux ignorent, ce qu'ils furent historiquement, mais que personne n'a mis en évidence. Historiquement, ils formèrent partie de ce Maghreb (…) avec des droits spéciaux dans leur relation avec le sultanat du Maroc.” (5:08 a 5:33). Il ne s'agit pas d'incohérence. Il ne s'agit pas que maintenant (en fait dès le milieu des années 1980) Felipe González dise le contraire de ce qu'il dit en 1976, à Tindouf. Il ne s'agit pas d'ignorance. Il ne s'agit pas que Felipe González méconnaisse la question du Sahara ou la réalité marocaine. Ici, le problème n'est pas de cohérence ou d'incohérence, ni d'ignorance ou de savoir. Le problème concerne la vérité ou le mensonge. Et Felipe González ment. En voici la démonstration : 1º. Oui, il y a une activité économique au Sahara Felipe González sait parfaitement qu'au Sahara occidental, on exploite surtout les phosphates et la pêche. Les phosphates : Dans le Sahara occidental, le Maroc continue d'extraire les phosphates de Bou Craa. Et les phosphates ont un prix très élevé. Le journaliste norvégien Erik Hagen a analysé cette question pour en arriver à la conclusion suivante : Les recettes annuelles pour le Maroc provenant des phosphates de Bucraa en 2008 s'élèveraient à plus de 1 700 millions de dollars. La pêche : Le Maroc continue de pêcher dans les côtes du Sahara occidental. Parce que Felipe González sait qu'elle est beaucoup plus abondante au Sahara qu'au Maroc. Il doit bien le savoir, lui qui a signé un accord de pêche avec le Maroc en 1983… Felipe González sait que, en l'an 2006, un nouvel accord de pêche entra en vigueur entre l'UE et le Maroc en vertu duquel : L'UE paiera à Rabat une compensation financière de 144 millions d'euros pour toute la période. 2º. Oui, il y a spoliation Du moment que l'argent obtenu des richesses sahraouies revient au Maroc, il ne devrait y avoir de doute sur le fait qu'il y a une spoliation. C'est ce que dit le sous-secrétaire général de l'ONU, Hans Corell : Il est du domaine public que la Commission européenne signa avec le Maroc un accord d'association pour la Pêche, en mai 2006, qui s'applique aux “zones de pêche marocaines”, ce qui veut dire que les eaux sont sous “la souveraineté ou la juridiction du royaume du Maroc” (article 2). Je suppose que l'expression “ou la juridiction”, qui figure également dans d'autres accords signés par la Commission, se rapporte à la Zone Economique Exclusive Marocaine, mais il est évident qu'elle s'utilise aussi pour signaler les eaux appartenant au Sahara occidental, car en aucune circonstance fait-on de distinction quand aux eaux adjacentes au Sahara occidental. En toute circonstance, il me semble évident qu'un accord de ce genre, qui ne distingue pas les eaux qui baignent le Sahara occidental et les eaux du territoire marocain, viole le droit international. 3º. Oui, Felipe est redevable au Maroc Sans aller plus loin, Luis de Vega relève dans son blog que quelqu'un dût “donner son accord pour la construction d'une villa à pied de plage à côté du luxueux hôtel Le Mirage de la ville de Tanger qu'il admire tant”. Mais l'histoire est plus grave encore. Quand Felipe González fit des démarches auprès du gouvernement de la Colombie afin que soit retirée la reconnaissance de la RASD, toucha-t-il de l'argent du Maroc ou bien le fit-il d'une façon bénévole ? Quand Felipe González fit des démarches auprès du gouvernement du Chili pour que ce dernier ne reconnaisse pas la RASD, toucha-t-il de l'argent du Maroc ou bien le fit-il d'une façon bénévole ? Quand Felipe González intervint auprès de la FIFA pour défendre la candidature du Maroc pour le Mondial de football de 2010, toucha-t-il de l'argent du Maroc ou bien le fit-il d'une façon bénévole ? 4. Le Maroc n'est pas le pays arabe ayant un plus grand espace de liberté Felipe González a beaucoup voyagé. Il connaît le Moyen-Orient. En fait, c'est sous son gouvernement que fut organisée la Conférence de Madrid pour la paix dans la région. Il sait donc parfaitement que c'est le Liban qui est le pays jouissant d'un plus grand espace de liberté. Mais si l'on exclut le Liban, il n'ignore pas qu'en Jordanie, par exemple, il existe un espace de liberté plus grand qu'au Maroc. Felipe González n'est pas très religieux, mais il sait que la situation de la liberté religieuse n'est pas la même dans les deux pays. Lui, qui habite Tanger, sait que même l'Evêque ne peut marcher dans la rue habillé en évêque, ou qu'on poursuit tout celui qui ne jeûne pas obligatoirement au Ramadhan. Felipe González sait qu'on torture encore au Maroc. Mais si l'on se focalise sur les pays du Nord de l'Afrique, Felipe González ne peut ignorer que la liberté de presse est beaucoup plus ample en Algérie ou en Mauritanie qu'au Maroc. En tant que quelqu'un qui prête attention à l'actualité politique marocaine, il sait qu'en à peine deux mois, il s'est produit au Maroc une répression de la liberté d'expression comme on n'en avait connu depuis Hassan II (le régime réactionnaire qu'il dénonçait en 1976) ; on a séquestré illégalement et on a détruit toute l'édition d'un magazine pour avoir commis le délit de faire une enquête sur le roi ; on a instruit un procès contre plusieurs journalistes pour la seule raison de faire des recherches à propos de la maladie du roi ; on a poursuivi un journal pour avoir publié une caricature sur la politique extérieure marocaine, etc. Enfin, si quelqu'un veut savoir comment fonctionne la “démocratie” marocaine, il n'a qu'à consulter ce blog. 5. Historiquement, le Sahara occidental n'a jamais fait partie du Maroc Felipe González connaît parfaitement l'Avis du Tribunal international de justice sur le Sahara occidental, du 16 octobre 1975 (dont l'anniversaire sera demain, d'ailleurs). Et Felipe González a lu la conclusion du Tribunal au paragraphe 162 de cet avis (page 68) : “(…) La Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d'une part, le royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part. La Cour n'a donc pas constaté l'existence de liens juridiques de nature à modifier l'application de la résolution 1514 (XV) quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire.” En conclusion, il ne semble pas discutable que Felipe González ment quand il parle du Maroc et du Sahara occidental. On pourrait dire qu'il ne s'agit pas d'une nouveauté, mais il serait très grave que la société accepte le mensonge comme quelque chose de “naturel”. La question, pourtant, n'est pas qu'il mente, mais pourquoi il le fait. En ce qui concerne l'implication de son gouvernement dans le terrorisme d'Etat, Felipe González dit une fois : “Il n'y a pas de preuves et il n'y en aura jamais.” Le fait en est qu'aujourd'hui nous connaissons tous la vérité sur cette histoire. Un jour, j'espère que bientôt, nous connaîtrons la vérité de cette autre histoire. C. R. M. (*) Juriste et chercheur espagnol Catedrático de Derecho Constitucional Universidad de Santiago de Compostela.