Retour sur une expérience de résidence très enrichissante qui a rassemblé dix auteurs du continent africain, le temps d'une rencontre conviviale, dans le cadre du 14e Sila. L'expérience de la résidence d'écriture, qui a réuni, durant le 2e Festival culturel panafricain, dix auteurs africains, notamment Kébir Ammi Mustapha, Ibrahima Aya, Yahia Belaskri, Anouar Benmalek, Tanella Boni, Eugène Ebodé, Alain Mabanckou, Gabriel Mwèné Okoundji, Hamid Skif et Sami Tchak, a donné naissance à un recueil de nouvelles écrites par ces plumes incisives et tranchantes, qu'on réduit souvent à un continent. En effet, la plupart du temps, lorsqu'on s'adresse à un auteur du continent, on dit : “Vous êtes un auteur africain”, c'est-à-dire qu'on réduit toute une œuvre, un talent et un souci esthétique, à une dimension géographique. De même que demander à un auteur s'il est africain, est une manière de considérer l'Afrique, un si vaste continent, comme un pays. Pour nous sortir de ces préjugés, clichés et autres idées préconçues, les auteurs venant des quatre coins du continent africain, nous ont donné une sacré leçon durant le Panaf 2009, en nous montrant leurs dissemblances et différences. Bien que beaucoup de choses nous rassemblent et nous unissent, notamment les séquelles de la colonisation, les guerres civiles et les déchirures sociales, les auteurs venant d'Afrique sont d'abord des humains qui évoluent dans un monde si imparfait, qu'il ne peuvent faire autrement que de le décrire, le contester, le critiquer, et célébrer la vie en lui. Alors que d'autres sèment la guerre et la haine, un écrivain est comme un alchimiste passionné, qui transforme haine et désolation en une œuvre artistique, pleine de vie et d'espoir. Dix auteurs parmi tant d'autres, mais pas des moindres, ont participé à une résidence d'écriture, qui les a réuni durant quinze jours, avec pour objectif de produire chacun une nouvelle. Sans thème et “sans surveillance”, les auteurs ont eu à donner libre court à leur imagination et laisser leur talent s'exprimer. Dans le cadre du Salon international du livre d'Alger, la salle Afrique a abrité une rencontre avec quelques-uns des auteurs ayant pris part à cette résidence, notamment l'Ivoirienne Tanella Boni, le Camerounais Eugène Ebodé, et les deux Algériens Anouar Benmalek et Yahia Belaskri. Rencontre animée par l'éditeur Karim Chikh (Apic éditions), il a été question de l'expérience de ces écrivains dans cette résidence. Sans doute enrichissante, bien évidemment intéressante, mais surtout “naturelle”. Naturelle parce qu'elle a favorisé la rencontre de l'Algérie avec l'Afrique. “Elle a permis de se connaître, de tisser cette latéralité qui nous manquait parce qu'obsédé par la verticalité”, a déclaré Eugène Ebodé, qui a été dans une autre vie, footballeur professionnel. Manifestement le football mène à tout, et pas uniquement donc à la violence. Tanella Boni de son côté a déclaré qu'“il n'y avait pas de thème imposé, et curieusement, tout le monde a parlé d'Alger”. Concernant les critiques adressées à cette résidence, notamment certains qui sont partis jusqu'à dire que c'était une “résidence surveillée et non une résidence d'écriture”, les auteurs ont rassuré et ont affirmé que l'expérience était réellement extraordinaire. Eugène Ebodé a même déclaré que “ce ne sont pas nos résidences qui sont surveillées, mais nos mémoires”. En outre, le recueil de nouvelles a pris forme. Sorti pour le Sila, le recueil s'intitule Ancrage africain, et est disponible au stand des éditions Apic. Préfacé par la ministre de la Culture et présenté par Rachid Boudjedra, le recueil rassemble dix nouvelles de dix auteurs différents, venant de différents pays, mais tous ont choisi d'ancrer l'africanité de leurs nouvelles dans Alger la blanche. Sara Kharfi