Chaque historique qui disparaît est un pan de l'Histoire qui s'évapore. Et ils sont encore nombreux à l'âge de Boumaza à n'avoir pas encore entamé l'écriture de leurs mémoires. Ils ont traversé l'Histoire, comme un champ de mines pour certains, laissant une empreinte du périlleux passage que les turpitudes du temps risquent, en l'absence de livres témoins, d'effacer de la mémoire collective. Un autre monument s'en est allé après avoir parcouru les embûches de l'Histoire tourmentée du pays, suivant dans l'inexorable logique chronométrique d'autres compagnons qui ont eu le privilège d'avoir pu goûter, avec un bonus sur l'âge, à l'ère qu'ils avaient rêvée. Plus qu'un simple témoin subissant les évènements, Bachir Boumaza a eu, tout au long de sa vie, collé à sa peau le militantisme qui transcende l'espace et le temps pour se perpétuer comme un signe d'appartenance à une “race” combative. Cette race en voie de disparition, usée par l'âge, mais qui n'est pas toujours prompte, on ne sait pour quelle raison, à prioriser pour l'instant actuel, le présent et l'avenir, un travail de mémoire pour éclairer les méandres de l'Histoire nationale. Des geôles françaises à la citoyenneté d'honneur irakienne, Boumaza a marqué son passage attaché au devoir de mémoire et la Fondation du 8-Mai-1945, hautement symbolique, n'est pas le moindre acte. Mais combien sont-ils ces octogénaires, rattrapés par l'irréversible de la nature, à consolider en apportant leur pierre à l'édifice aujourd'hui coincé entre les dents de l'engrenage des histoires “individuelles” non sans être exempts de suspicion avec en trame de fond de larges contentieux subjectifs que des lectures érigent en séquence majeure de la longue nuit de souffrance collective. Dès lors que ces mémoires vivantes hésitent, quelle ressource restera-t-il pour l'historien dont le travail se résumera au traitement des archives volontairement distillées au compte-gouttes ? Chaque historique qui disparaît est un pan de l'Histoire qui s'évapore. Et ils sont encore nombreux à l'âge de Boumaza à n'avoir pas encore entamé l'écriture de leurs mémoires, ce tortueux chemin, douloureuse période, qui donna naissance au 5 juillet 1962, au moment où l'Histoire les réclame. Que deviennent alors les promises mémoires de Boumaza, qui a vécu la colonisation, lutté contre elle et vécu le régime sous toutes ses facettes ?