Dans cet entretien, le premier responsable de l'USABC aborde l'évolution des échanges économiques avec les Etats-Unis et les perspectives de développement du courant d'affaires entre les deux pays. Liberté : Comment évaluez-vous l'évolution des relations économiques entre l'Algérie et les Etats-Unis ? Dr Smaïl Chikhoune : Je pense qu'elles évoluent en progression, puisque comme vous le savez, les échanges commerciaux ont atteint les 22 milliards de dollars pour l'année 2008, ce qui a permis aux Etats-Unis de devenir ainsi le premier partenaire économique de l'Algérie. Evidemment, le plus gros des échanges demeure toujours dans le secteur des hydrocarbures avec 97% du volume des échanges. D'un autre côté, les Etats-Unis ont exporté vers l'Algérie un milliard de dollars principalement dans les équipements et dans l'agroalimentaire. Je pense qu'elle va aller en progression, car de plus en plus les compagnies américaines s'intéressent au marché algérien qui recèle beaucoup d'opportunités d'investissements.Actuellement, il y a une centaine de compagnies américaines qui activent en Algérie. À titre de rappel, la première compagnie américaine qui s'est installée en Algérie fut la compagnie Pfizer dans l'industrie des produits pharmaceutiques, ceci dans les années 1960, puis durant les années 1980, ce fut les compagnies pétrolières, et nous voyons depuis 2001 la venue de compagnies qui activent dans le bâtiment, les infrastructures, la construction en général, avec Bechtel, General Electric, Humbolt, Almix, etc. Les nouvelles technologies de l'information, en l'occurrence Microsoft, Cisco, Oracle. Dans le secteur agroalimentaire, dans le secteur des ressources en eau avec des sociétés de petites et moyennes entreprises. Dans le transport, avec Boeing, DHL, Fedex, UPS. Dans la défense, avec Northrop Grumman et Raytheon. Sans toutefois oublier le géant Coca-Cola dans l'industrie manufacturière. Quels changements induit l'investiture du président Obama sur la politique américaine au Maghreb, notamment en Algérie dans son volet économique ? Effectivement, on peut noter une meilleure approche ; je pense que cette nouvelle administration s'intéresse davantage aux pays du Maghreb, elle a su dissocier le Maghreb du Grand-Moyen-Orient. Cela s'est traduit par un engagement plus notable de certaines agences gouvernementales américaines comme le département du Commerce, qui a programmé prochainement une mission économique d'hommes d'affaires américains en Algérie en février 2010 et comme l'USTDA, qui a dégagé un budget pour le financement des études de faisabilité de projets dans le secteur agroalimentaire pour le secteur public et pour le secteur privé. À noter également l'envoi d'un attaché économique maintenant basé à l'ambassade américaine à Alger au lieu de Rabat précédemment. Où en sont les discussions entre les parties algérienne et américaine sur l'ouverture du ciel aérien US aux compagnies algériennes ? Sur cette question, uniquement notre cher ambassadeur Abdallah Baâli peut apporter quelques éclaircissements. Il s'agit d'un volet politique, et seul l'ambassade est habilitée à en parler. Ce que je peux vous dire, c'est qu'à l'occasion d'une récente intervention de Son Excellence l'ambassadeur Abdallah Baâli à Washington, lors d'une conférence, il a mentionné que les discussions sont bien avancées au sujet de l'open sky, et qu'elles vont être finalisées très prochainement. Comment les compagnies américaines perçoivent-elles les nouveaux changements dans le climat des affaires en Algérie ? Les entreprises américaines implantées en Algérie travaillent toujours, et je peux vous dire qu'elles suivent de près le climat des affaires, notamment les changements récents de la loi sur l'investissement. De mon point de vue, la loi sur l'investissement en rapport avec la loi des 51/49 pour le secteur des hydrocarbures est tout à fait légitime. D'ailleurs ceci n'est pas propre uniquement à l'Algérie, car on l'a retrouvée dans plusieurs pays. Pour cela, les compagnies américaines sont présentes, et elles vont toujours travailler en Algérie. Par contre, pour les autres secteurs hors hydrocarbures, notamment les nouvelles technologies de l'information, l'industrie manufacturière, l'industrie pharmaceutique, là je pense que l'Algérie sera moins attractive compte tenu de la concurrence qui existe actuellement à travers le monde en matière d'investissement. La tâche ne sera pas facile de vendre l'Algérie comme destination d'investissement à cause de certains paramètres très importants qu'il va falloir améliorer. Je citerai le problème du foncier industriel, du foncier agricole, des lenteurs administratives, la bureaucratie, le système bancaire. Ce sont là les paramètres que tout investisseur prend en considération. Mais nous, au conseil d'affaires, n'allons pas baisser les bras ; bien au contraire, nous allons persévérer dans nos efforts afin de convaincre les opérateurs économiques américains de toujours considérer la destination Algérie, car nous sommes convaincus qu'elle recèle beaucoup d'opportunités de business, et que le marché algérien devient de plus en plus prometteur. Quel est le bilan des missions de l'US Algeria Business Council effectuées ces dernières années en Algérie ? Nous faisons la promotion de l'image de l'Algérie aux Etats-Unis en invitant les compagnies américaines à explorer le marché algérien et la partie algérienne à aller aux Etats-Unis d'Amérique pour un éventuel partenariat avec leurs homologues américains. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'ambassade d'Algérie à Washington DC, et également avec l'ambassade des Etats-Unis à Alger. Nous essayons de toucher à tous les secteurs en dehors des hydrocarbures, notamment le secteur des PME. Il faut noter jusque-là que ce partenariat se limite aux hydrocarbures. Mais les choses évoluent dans le bon sens. Preuve en est que le nombre d'adhérents au conseil d'affaires issus du secteur des hydrocarbures, qui était de 80% ne représente désormais que 40%. Les 60% de nos adhérents sont des compagnies d'autres secteurs, comme l'infrastructure et la construction, les nouvelles technologies, le transport, les compagnies de services et les industries manufacturières et de défense.Notre politique au conseil d'affaires est de contacter surtout les PME aux Etats-Unis afin de leur parler des opportunités d'investissement qui existent en Algérie. Le conseil d'affaires organise chaque année des missions économiques en Algérie et aux Etats-Unis. Nous allons les répéter plus souvent maintenant, voire plusieurs fois dans l'année. Vous savez les Américains ne connaissent pas l'Algérie et c'est là notre noble mission de faire connaître l'Algérie aux opérateurs économiques américains. Il y a eu des résultats positifs puisqu'il y a eu plusieurs créations de partenariat entre des entreprises américaines avec leurs homologues algériennes dans différents secteurs hors hydrocarbures, principalement dans les ressources en eau, dans la construction, dans les nouvelles technologies de l'information, dans les énergies renouvelables, dans l'agroalimentaire. Récemment, suite à une mission d'étude effectuée en octobre 2008 dans les Etats du Wisconsin, Iowa et Californie pour l'industrie du lait, les opérateurs économiques algériens, qui avaient fait le déplacement aux Etats-Unis ont créé après leur retour en Algérie une SPA qui va activer dans l'industrie du lait en investissant dans des fermes de vaches laitières de 3 000 vaches avec un projet très ambitieux de pouvoir créer des fermes de vaches laitières dans différentes régions du pays. Il s'agit là d'un projet très porteur et bénéfique pour l'Algérie, car il est temps de produire localement et d'arrêter d'importer du lait qui coûte à l'Etat Algérien 1,5 milliard de dollars chaque année. Sur ce projet, il va y avoir transfert de technologies et de connaissance sur l'organisation et le management de ces fermes, beaucoup de créations d'emplois directs et indirects. L'Etat algérien doit s'impliquer car ces investisseurs vont avoir besoin de beaucoup de terrain agricole. Je peux citer par exemple une compagnie américaine spécialisée dans le nettoyage des fours des cimenteries qui, actuellement, est partenaire avec une entreprise algérienne privée. Lors de la mission d'affaires de février dernier en Algérie, une compagnie américaine de construction avait pris l'engagement de s'installer en Algérie, chose faite mais malheureusement à cause des lenteurs administratives, à ce jour voilà presque un an, elle n'a pas encore réglé tous les problèmes administratifs. Voilà un volet qui doit être revu, en vue de faciliter l'installation d'une compagnie étrangère en Algérie, surtout encore une fois que la concurrence est féroce à travers le monde. Quelle est l'importance des nouveaux investissements américains hors hydrocarbures en Algérie ? Je peux vous dire que les nouveaux investissements américains hors hydrocarbures en Algérie seront dans le secteur des infrastructures en général, de la construction, des énergies renouvelables, dans le transport, dans les nouvelles technologies de l'information. L'Etat algérien a engagé un programme de projets très important pour l'exercice 2009-2014 dans plusieurs secteurs-clés, comme les grands ouvrages des travaux publics, des ressources en eau avec la construction de nouveaux barrages, projets dans les chemins de fer, construction de nouveaux aéroports, hôpitaux, universités, logements, etc. C'est donc ce type de projets que les opérateurs économiques américains sont à la recherche, surtout que la conjoncture actuelle, compte tenu de la crise économique qui persiste aux USA, les oblige donc à aller chercher du business en dehors des Etats-Unis. Quel est le bilan des exportations algériennes hors hydrocarbures aux USA encouragées par les facilitations US à l'accès au marché américain ? L'exportation algérienne commence à s'accroître compte tenu des facilités offertes par le programme SGP qui permet ainsi à plus de 3 000 produits algériens dans le secteur agroalimentaire, principalement, de pénétrer le marché américain sans payer les redevances douanières. Hors hydrocarbures, plusieurs produits sont exportés vers les Etats-Unis. L'Algérie exporte vers les Etats-Unis quelques produits agroalimentaires, même si cela représente un petit volume, à savoir du vin, des dattes, de l'huile d'olive, des pâtes, du couscous, des figues sèches, des olives, des sodas, ces produits existent au niveau de la côte est ainsi qu'à la côte ouest. C'est évidement très minime en termes de volume, mais c'est un début. Je pense qu'il va s'accroître davantage dans le futur surtout que les opérateurs économiques algériens ont amélioré énormément la qualité de l'emballage de leurs produits, reste maintenant le volet quantité qui doit être pris en considération. Il faut que les Algériens produisent beaucoup afin de bien pénétrer le marché américain, car leur partenaire américain n'est pas seulement un pays mais il s'agit d'un continent.