Dans cet entretien, Son Excellence l'ambassadeur de Corée situe l'évolution des rapports économiques bilatéraux, cite les projets impliquant des sociétés sud-coréennes et aborde les perspectives de développement du partenariat entre les deux pays. Liberté : Quelle appréciation faites-vous de l'évolution des relations économiques bilatérales entre l'Algérie et la Corée du Sud ? Son Excellence l'ambassadeur de Corée du Sud : Depuis le début des années 1990, les relations économiques entre les deux pays ont été pratiquement interrompues durant presqu'une décennie. À la faveur de la visite du président Abdelaziz Bouteflika en Corée en 2003, en revanche, les relations entre l'Algérie et la Corée du Sud ont repris et se sont même renforcées. Cette nouvelle donne a encouragé les entreprises sud-coréennes à venir s'implanter en Algérie. De grosses cylindrées à l'image de Samsung, LG et Hyundai, sont devenues très actives. Par ailleurs, le chef de l'Etat sud-coréen a signé en mars 2006, lors de sa venue en Algérie, avec son homologue algérien un partenariat stratégique. Cet accord vise à intensifier davantage les contacts entre les deux gouvernements et dans les milieux d'affaires suivant la formule “Task Forces” exécutif-privé. Il s'agit en fait des équipes conjointes mises en place pour le suivi des projets. C'est aussi un forum général englobant tous les secteurs d'intérêt mutuel auxquels participent les représentants gouvernementaux et privés. Les Task Forces ont, pour rappel, tenu leur troisième réunion à Alger du 2 au 6 juin 2007. De telles démarches ont engendré ensuite une croissance du volume des échanges commerciaux entre nos deux pays qui est passé de 500 millions de dollars en 2005, à un milliard de dollars en 2006, soit le double et à un peu plus qu'un milliard de dollar en 2007. Le volume augmente ainsi en moyenne de 50% chaque année. Mieux, nous espérons atteindre pour l'exercice en cours les 2 milliards de dollars. Ce chiffre reste encore insuffisant de par les opportunités qui s'offrent aux deux pays et aux potentialités qu'ils recèlent. Quel est le nombre d'entreprises sud-coréennes qui activent en Algérie ? Seize sociétés sud-coréennes sont recensées actuellement en Algérie. Quand, je suis arrivé en Algérie en septembre 2005, il n'existait que quatre représentants de firmes coréennes. Au cours de l'année 2008, la coopération dans le domaine de l'aménagement du territoire a bien démarré. Nos entreprises se sont engagées ainsi dans ce domaine, notamment pour les trois villes nouvelles qui sont, Bouinane, Boughzoul et Sidi-Abdallah. Pour ces deux dernières villes, des firmes coréennes ont soumissionné pour des appels d'offres. Quant à Bouinane, un consortium d'entreprises coréennes procéderont à un développement intégré sur une superficie de 600 hectares, soit presque la moitié de la surface de cette ville. Cet espace abritera le centre d'affaires international avec toutes les facilités ultramodernes, des installations de loisirs et des logements haut standing. Nous espérons inaugurer ce projet vers la fin de l'année en cours ou au plus tard le début de l'année prochaine. La préparation de ce projet est achevée et nous comptons le déposer au Conseil national de l'investissement (CNI). Des bureaux d'études coréens ont été, en outre, retenus pour la réalisation d'études pour deux tronçons d'autoroute dans la région des Haut-Plateaux. Dans le secteur de l'industrie, des projets sont actuellement en négociations. À souligner également la coopération exemplaire dans le domaine de l'électronique entre le groupe Cevital et Samsung Electronic. Cette coopération a donné naissance à une usine de montage de produits de la marque sud-coréenne. Concernant le partenariat entre l'entreprise algérienne Enie et LG, les discussions sont toujours en cours. Il faut reconnaître que les projets industriels sont complexes contrairement à ceux liés à la réalisation d'infrastructures, raison pour laquelle ils nécessitent plus de temps. Une chose est certaine, tous les grands groupes sud-coréens s'intéressent au marché algérien. La construction, le commerce international, l'électronique sont les trois principaux secteurs représentés. Sur un autre registre, deux grands projets de coopération industrielle ont pris forme entre Sonatrach et Korea National Oil Corporation (Knoc). La compagnie pétrolière nationale a établi en Corée un système de stockage du pétrole algérien d'une capacité de 4,6 millions de barils dans le but de le distribuer de manière plus efficace au-delà du marché coréen, c'est-à-dire sur le marché asiatique. Pourriez-vous nous citer les différents accords signés dans le secteur de l'économie par les deux pays ? Les gouvernements des deux pays se sont attelés à perfectionner d'abord le cadre juridique afin d'encourager les échanges. Je cite les accords paraphés dans le domaine maritime, pour la garantie des investissements, la sécurité sociale et celui de la non-double imposition. Il est aussi envisagé de ratifier prochainement l'accord sur l'aviation civile pour le transport de voyageurs et de marchandises. Sans oublier le mémorandum d'entente signé en outre par les deux nations. L'accord dans le domaine maritime prévoit-il des projets tels que la construction navale ? Non, il vise à accorder des facilitations dans les ports des marines marchandes des deux pays. En Corée, des groupes se sont carrément spécialisés dans la réalisation de villes nouvelles. Quel est leur apport pour les trois projets en Algérie ? Il existe une agence nationale dénommée Korea land Cooperation. Cet organisme, qui a ses représentants en Algérie, assure la conception de ce type de projets. Ensuite, les bureaux d'études sont mobilisés pour élaborer l'étude et des appels d'offres sont enfin lancés à l'intention des entreprises de réalisation. Nous faisons en Algérie, ce qui se fait exactement en Corée. Hyundai Motor Company (HMC Corée) a déjà émis le vœu de réaliser en partenariat avec son concessionnaire HMA une usine de montage de véhicules en Algérie. Où en est le projet ? HMC s'intéresse effectivement au marché de l'automobile algérien qui s'accroit d'année en année. Le constructeur reste néanmoins, prudent car il a déjà installé plusieurs usines de par le monde aux Etats-Unis, l'lnde, la Chine, la Russie et la Tchéquie. Un tel projet dépendra de l'évolution que connaîtra le marché algérien voire maghrébin. Quel intérêt accorde la Corée du Sud au processus de privatisation en Algérie ? Les entreprises sud-coréennes ont examiné plusieurs projets de privatisation. Jusqu'à présent, il n'y a eu aucune suite. Mais nous maintiendrons nos propositions quant à l'acquisition d'une entreprise algérienne pour qu'elle devienne compétitive avec l'apport de la technologie sud-coréenne. Comment voyez-vous les perspectives en matière de développement du partenariat entre les deux pays ? J'espère que l'année 2009 sera celle où seront développés et concrétisés de nombreux projets de partenariat dans le domaine de l'industrie. Les entreprises sud-coréennes saisiront les opportunités que leur offrira le marché algérien dans ce secteur. Enfin, mon souhait c'est de renforcer davantage le partenariat stratégique dans les différents domaines. B. K.