Des citoyens, en proie au désespoir, ont tenté de tuer le P/APC pour se suicider ensuite. La ville d'El-Harrouch, distante du chef-lieu de la wilaya de Skikda de 30 kilomètres, a été, durant la journée d'hier, le théâtre de violentes émeutes. Tout a commencé quand un groupe de citoyens, qui réclamait l'affichage de la liste des bénéficiaires des 85 logements sociaux, a investi, de force, l'hôtel de ville. Une fois, à l'intérieur de l'enceinte, ils se sont dirigés vers le bureau du président de l'APC. Ce dernier fut maîtrisé et violemment battu par le groupe en furie. Les émeutiers, une centaine, dans un ultime geste, comme pour en finir et pour toujours avec un symbole d'une “administration-assemblée” corrompue et avec leurs malheurs sociaux, ont failli mettre à exécution un scénario des plus macabres et inimaginables dans une Algérie de 2003 : jeter le P/APC, déjà sévèrement corrigé, du deuxième étage de l'immeuble et procéder à un suicide collectif. L'intervention musclée et à temps des forces de sécurité a fait échouer cette opération commando d'un type particulier. Quelques instants plus tard, et comme pour apaiser les esprits, les responsables locaux ont procédé à l'affichage, en certains lieux de la ville, de la liste des 85 bénéficiaires. Ce geste, en retard, a fait l'effet de l'huile jetée sur un feu qui a déjà pris. Les émeutes reprennent alors de plus belle dans certains quartiers de la ville et avec une rare violence. En effet, une fois la liste affichée, les Harrouchis ont confirmé avec stupeur ce que la rumeur n'a cessé de véhiculer depuis des semaines, à savoir l'exclusion de la liste de familles dans le besoin au profit d'autres personnes beaucoup plus rentières qu'éligibles au logement social. Ainsi, parmi les indus bénéficiaires, on retrouve des membres de la commission communale de distribution du logement, certains de leurs proches, le représentant de la Coordination des associations de quartier, un des mouvements supplétifs du cercle présidentiel et le représentant de l'UGTA dans la commission. Les émeutiers, qui exigeaient, au départ, l'affichage de la liste des 85 bénéficiaires, ont adapté leurs revendications à la nouvelle donne pour demander, purement et simplement, l'annulation de la liste et l'application des sanctions les plus sévères à l'encontre de l'ensemble des élus, des administrateurs et des membres de la commission faussaire, uniques responsables des événements. Hier, en fin de journée, alors que nous mettions sous presse, la tension était toujours perceptible dans une ville qui découvre, malgré elle, l'émeute. Dans cette cité, la nouvelle génération d'El-Harrouch se démarque, dans la douleur, des idées reçues qui ont fait que les personnes âgées ont toujours pensé que les responsables de ce pays “rahoum ouladna”. Aujourd'hui, à l'instar des populations d'autres villes, les Harrouchis viennent de faire, à travers la douloureuse histoire des 85 logements, la démonstration que ce n'est pas parce que la ville a donné au pays une partie de ses dirigeants qu'ils seront à l'abri des effets néfastes de l'incurie du système. Skikda, deuxième plate-forme du pays et partant deuxième tirelire d'un pouvoir qui gère par la rente et à coups d'actions populistes, a été secouée, l'espace d'une décade, par deux émeutes pour une question de logements sociaux. Les signes ne trompent pas. Les méthodes de gouvernance des années 1970 et 1980 ne font plus recette ! M. K.