Les statistiques mondiales sont implacables : 75% des entreprises familiales ne réussissent pas le passage à la deuxième génération et disparaissent en tant qu'entité. Octave Gélinier, le pape du management en France, que j'ai eu la chance d'avoir comme professeur quelques années avant sa disparition, nous disait que le principal problème de la PME française réside toujours dans la transmission du patrimoine familial. En Algérie, combien d'entreprises algériennes familiales, même parmi les mieux gérées, n'ont pas survécu à leur fondateur ? Cevital, toute entreprise familiale qu'elle est, ne semble pourtant pas guettée par une telle déconvenue. D'une part, Cevital n'est plus aujourd'hui une PME ; c'est un grand Groupe industriel diversifié qui pèse plus de deux milliards et demi de dollars de chiffre d'affaires annuel. D'autre part, les enfants du fondateur, tous sortis des meilleures écoles européennes de gestion, sont des managers accomplis qui ont fait leurs preuves sur le terrain et tiennent fermement les rênes des grandes divisions du Groupe. Avec ces atouts exceptionnels, la pérennité du Groupe paraît solidement assurée. Néanmoins, le groupe Cevital a estimé nécessaire d'adopter un mode de gouvernance évolué pour mieux faire face aux défis formidables que pose sa croissance forte et ininterrompue. Et cela procède d'une vision éclairée de son fondateur qui a voulu doter le groupe Cevital des moyens les plus solides pour non seulement assurer sa pérennité mais, surtout, lui permettre de réussir la stratégie de développement ambitieuse qu'il s'est tracée. Réussir cette stratégie passe par la mise en place d'outils de gestion évolués parmi lesquels un conseil d'administration qui joue pleinement son rôle dans un groupe industriel de la taille et de la complexité de Cevital. Un conseil d'administration de plus en plus professionnel, capable de challenger les options stratégiques du management exécutif, de veiller aux grands équilibres de la gestion et d'assurer un contrôle efficace de la marche du Groupe. Pour réussir ce saut qualitatif dans sa gouvernance, le Groupe a décidé d'ouvrir son conseil d'administration à des membres indépendants. C'est là une décision particulièrement courageuse, car elle suppose d'emblée que son fondateur et ses enfants acceptent totalement le jeu de la transparence. Décision courageuse qui doit être saluée comme une véritable première dans l'environnement de l'entreprise privée algérienne. En tant que membre indépendant du conseil d'administration de Cevital, je mesure l'ampleur du challenge qui m'est ainsi proposé. Car entrer dans l'intimité d'une entreprise familiale dotée d'une expérience entrepreneuriale si riche est un exercice qui requiert des compétences avérées et beaucoup de tact et de doigté. Mais l'intérêt de l'exercice est en soi suffisamment enthousiasmant. Et pouvoir apporter une valeur ajoutée à la magnifique aventure industrielle de Cevital vaut la peine de prendre tous les risques. En compagnie des autres membres indépendants du conseil d'administration de Cevital, je souhaite que nous soyons capables d'apporter l'expérience et l'expertise que nous avons pu capitaliser à la faveur de nos parcours professionnels respectifs ; et de pouvoir ainsi contribuer, à travers cet exemple de gouvernance évoluée, à inciter d'autres entreprises familiales algériennes à lancer des initiatives similaires. Car la professionnalisation du management, à tous les niveaux de l'entreprise algérienne, est le grand défi d'aujourd'hui.