Ce qui s'est produit dernièrement en Egypte est loin d'être un fait insolite. Le hooliganisme est devenu, en effet, une sorte de panacée que d'aucuns n'hésitent pas à instrumentaliser à l'effet de juguler tous les maux, y compris les dissonances engendrées par les contradictions sociales et cette prétention démesurée de vouloir devenir le nombril du monde… arabe. De nombreuses équipes sont venues nous battre dans notre propre pays. Cependant, aucune d'elles n'a été soumise au traitement inamical infligé au Caire aux meilleurs footballeurs de notre merveilleux pays. Les raisons sont têtues, ayant consenti d'énormes sacrifices, le peuple algérien n'a jamais voulu que la violence éclabousse une pratique conçue pour donner à l'être humain l'esprit sain à la base de toute promotion plurielle. Alors que fêtes religieuses, noms, sigles, couleurs, symboles ont sempiternellement fourni aux Algériens, depuis la nuit coloniale, des indicateurs certes partiels mais qui permettent de constater leur capacité de manifester au plan symbolique leur réalité d'existence et leur déni de reconnaissance. Ces éléments sont d'abord, on s'en doute, l'expression d'un patriotisme authentique, fait d'un incontestable amour de la terre des ancêtres, de la volonté d'en chasser un jour l'usurpateur étranger et d'apporter sa pleine contribution au monde arabo-musulman victime, s'il en est, d'une nouvelle croisade qui ne dit pas son nom. C'est dans ce contexte que la référence au Mouloudia Club d'Alger trouve sa pleine signification. Un club qui aura été, dès sa naissance, une école du nationalisme à l'instigation de l'émir Khaled, une association sportive et surtout un cadre privilégié pour l'épanouissement sportif, artistique et musical. Une création intervenue dans le prolongement du Club Sportif Algérois dont l'aile nationaliste a réussi, grâce à la création du doyen des clubs algériens, à doter les autres formes de résistance et de patriotisme qui s'exprimaient sous divers registres tels que la langue vivante, la poésie populaire, la poésie engagée militaire, les chants, les “nachid”, d'avoir un écho retentissant sur les gradins des stades. Capteur de nationalisme, le sport s'exprime dans un espace approprié, le stade, pendant un temps fort et une expression réelle, le match. Le football, c'était le djihad avec d'autres moyens. Pour les Algériens, estiment quelques rares chercheurs, si les associations servirent à la reconstruction du sentiment d'appartenance à une communauté, elles le firent selon des modalités d'émergence et d'évolution telles que définies par les nouveaux espaces de sociabilité produits par la logique coloniale. Parmi ces derniers, le sport joua sans conteste un rôle fondamental. Ce fait culturel moderne se proposait à la fois comme nouveau rapport au corps et nouvelle forme de rassemblement des individus au service d'une nouvelle “liturgie”. À une époque où règne la paix dans la plupart des pays, et où la mondialisation est conçue, semble-t-il, pour effacer les frontières, le sport est devenu l'un des meilleurs moyens d'expression des nationalismes. Au lieu de s'affronter sur des champs de bataille, les nations s'affrontent ainsi dans des stades dans le but de décrocher des médailles ou d'écraser les records des unes et des autres. Ce qui est des plus logiques. Cependant, le nationalisme étant souvent teinté de politique, il est récurrent de constater le danger que représente un trop-plein de nationalisme dans un milieu sportif qu'on voudrait indépendant et neutre. L'équipe nationale algérienne vient de l'apprendre à ses dépens. Mais à travers elle, c'est le recentrage patriotique de la politique algérienne qui est visé. Toujours debout, ne comptant que sur ses propres forces d'abord et mobilisant ainsi tous ses enfants qu'ils vivent à l'intérieur comme à l'extérieur du pays, grâce au sport notamment, l'Algérie semble désormais faire peur… A. M.