Des obus de mortier pleuvent quotidiennement sur certains quartiers de la capitale du Liberia. Le nombre des victimes, toutes des civils, augmente tous les jours. “Ce sont nous qu'ils visent”, affirmait un habitant de Monrovia à la presse étrangère, alors qu'il tentait de secourir un de ses proches touché de plein fouet par un obus. Un bilan officiel libérien fait état de 600 ou 700 morts au cours de ces derniers jours. Au rythme où se déroulent les combats aux portes de la capitale libérienne, malgré les cessez-le-feu de temps à autre, l'on se dirige tout droit vers un génocide des populations civiles. Vendredi matin, une dizaine de personnes ont péri, touchées par les tirs de mortiers et une quarantaine d'autres ont été blessées. Plus tard dans la nuit, l'on a enregistré trois morts et quatorze blessés, à la suite de l'explosion d'un obus de mortier de 60 mm, qui a touché une vieille église délabrée où se réfugiaient près de 3000 personnes déportées. Les rebelles et les forces gouvernementales se rejettent la responsabilité de ces actions meurtrières. Les combats se sont accentués entre les deux parties depuis que les rebelles tentent de prendre les ponts permettant l'accès au centre-ville. En attendant la fin des combats, la population continue à vivre dans la frayeur, fuyant les zones de bataille. 30 000 personnes se sont réfugiées au stade Samuel Kanyon Doe de Monrovia où elles vivent dans des conditions effroyables. Imperturbable, le président libérien est allé jusqu'à transformer ce lieu en tribune pour lui avant-hier. Charles Taylor, ne tenant pas compte de la misère de ces compatriotes parqués dans cette arène sportive comme des bêtes, s'est permis de faire son discours devant eux. Il a une fois de plus fait la promesse de quitter le pouvoir, “pour le salut de son peuple”, exposé aux tirs et aux explosions d'obus. Il a dérouté tous les observateurs par ses déclarations très versatiles. Le 5 juillet dernier, il affirmait avoir accepté une proposition d'asile du Nigeria, sans pour autant fixer la date de son départ. Retournement de situation deux semaines plus tard, soit le 19 juillet, lorsque Charles Taylor annonce qu'il se battra “jusqu'au dernier homme” pour chasser les rebelles de Monrovia. Ni les tentatives de médiation des pays membres de la communauté du développement économique de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) ni les menaces de George Bush n'ont fait reculer le président libérien de sa position. Depuis six mois, date d'arrivée des rebelles aux portes de Monrovia, le 4 février 2003, Taylor tient tête aux rebelles et s'accroche à son poste en dépit du nombre de victimes, qui ne cesse d'augmenter. Même son inculpation pour crimes de guerre par le tribunal spécial pour la Sierra Leone n'a rien changé à la situation. Interpellé par la communauté internationale, le président américain a appelé Charles Taylor à quitter le pouvoir le 26 juin dernier. Depuis, le chef de l'Etat libérien ne cesse de multiplier les prouesses pour rester au pouvoir. Les 600 ou 700 morts de ces derniers jours, selon les estimations d'un bilan officiel libérien, n'ont pas perturbé la quiétude de Charles Taylor. À voir ces chiffres horribles, un génocide n'est pas à écarter, tant les rebelles et les forces gouvernementales poursuivent leurs combats, sans se soucier sur qui tombent leurs bombes et leurs obus, qui sont en train de faire des ravages parmi les civils. La prise de Monrovia ou son maintien entre les mains des soldats du pouvoir se fera au prix d'un génocide qui restera dans les mémoires de l'humanité. K. A.