La littérature égyptienne nous a conservé de nombreux récits où les rois reçurent en rêve des messages des dieux. Il s'agit généralement de réprimandes, de conseils ou de visions prémonitoires. L'un des textes les plus célèbres figure sur une stèle dressée entre les pattes du sphinx de Gizeh. Il raconte un songe du prince Thoutmosis, fils d'Amenphis II, qui régna de 1450 à 1525 avant J.-C. “Un jour parmi les autres, le prince royal Thoutmosis était venu se promener ; à l'heure de midi, il s'assit à l'ombre de ce grand dieu (le grand sphinx) et le sommeil et le rêve s'emparèrent de lui au moment où le soleil était à son plus haut point”. Il constata que la majesté de ce dieu sacro-saint parlait de sa propre bouche, comme un père qui s'adresse à son fils : “Regarde-moi, jette les yeux sur moi, ô mon fils Thoutmosis, je suis ton père, Harma Khis-Kheni Retoum. Je t'accorde ma royauté sur terre, à la tête des vivants. Tu porteras donc couronne blanche et couronne rouge sur le trône de Geb, le dieu héritier, à toi sera le pays, dans sa longueur et sa largeur, ainsi que tout ce sur quoi l'œil du seigneur universel répand sa lumière. Tu recevras les aliments des deux terres ainsi qu'un abondant tribut de tout pays étranger, et une durée de vie comportant un long temps d'années… Mon visage est tourné vers toi et mon cœur vole vers toi ; vois l'état où je suis et mon corps douloureux, moi, le maître du plateau de Gizeh ! Le sable du désert sur lequel je trône s'avance vers moi ; aussi dois-je me hâter de te confier la réalisation de mes vœux, car je sais que tu es mon fils qui vas me protéger : approche, vois, je suis avec toi, et je suis ton guide !” Le dieu qui se fait appeler Harmakhis-Khepis-Re-Toum est le grand sphinx : Harmakhis signifie “horus dans l'horizon”, quant aux autres noms, ils désignent le soleil aux différents moments de la journée, Khépis, le soleil du matin, Re l'astre de midi, Toum l'astre du crépuscule. Devenu pharaon, Thoutmosis n'oublia pas son rêve : il ordonna de gigantesques travaux pour dégager le sphinx des sables et il fit dresser la stèle qui raconte son songe.