Selon une statistique du ministère de tutelle, 19 402 médecins généralistes sont recensés au niveau national. 12 860 exercent dans le secteur public. Même s'ils représentent le plus gros contingent des diplômés des facultés de médecines, les généralistes sont sous-estimés dans la profession, alors qu'ils devraient être – pour peu que leurs missions soient redéfinies par les autorités – le pivot du système de santé. Dans l'entendement populaire, le médecin généraliste n'est bon qu'à soigner les rhumes, les grippes, les crampes d'estomac… En somme, les ennuis de santé bénins. Pourtant, il est admis désormais que c'est le médecin de famille ou médecin traitant qui est le plus apte à découvrir les maladies graves avant qu'elles n'atteignent un stade aigu. Il devrait alors recevoir un enseignement médical spécifique pour qu'il puisse remplir efficacement ce rôle au lieu d'être relégué au statut du docteur au médecine qui n'a pas réussi son concours d'accès au résidanat. C'est vers cette conclusion que les participants au 2e Congrès euromaghrébin sur la médicine générale, tenu le 21 novembre dernier à l'université Abdelhamid-Ibn-Badis de Mostaganem sur initiative de l'association locale des médecins généralistes, ont orienté le débat. Leur démonstration n'a pas semblé, néanmoins, faire un gros écho du côté des représentants du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, et de celui du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale. Dr Kacimi, envoyée du département de Saïd Barkat, a parlé de la couverture sanitaire au niveau national, qui donne un médecin spécialiste pour 2 295 habitants, et un généraliste pour 1 718 habitants, tandis qu'un chirurgien-dentiste couvre 3 553 algériens et un pharmacien pour 4 497 personnes. Elle a précisé, au terme de son exposé, que cette évaluation date de 2006 et qu'il faudrait la majorer pour obtenir les statistiques plus récentes. Elle a indiqué, ensuite, que 4 508 postes budgétaires ont été ouverts en 2009, dont les trois quarts au profit des médecins généralistes. “Il faut savoir si ces postes ont été réellement pourvus, car généralement les médecins n'aiment pas travailler dans des régions éloignées”, a-t-elle ajouté. La déléguée du ministère de la Santé est partie carrément à contresens des certitudes de la salle, quand elle a affirmé que le médecin généraliste n'a pas sa place dans la formation médicale. Dr Acheuk Youcef-Chawki, représentant du ministère du Travail a informé que le pays compte 8 millions d'assurés sociaux. 80% de la population est couverte. La Caisse nationale de Sécurité sociale paye, chaque année, 38 milliards de dinars en forfaits hôpitaux et plus de 72 milliards de dinars en frais de produits pharmaceutiques. Plus de 50 millions d'ordonnances sont remboursées annuellement. Afin de réduire les factures de la caisse, il a soutenu que le système Chifa se généralise à travers le territoire national et le forfait hôpitaux va complètement disparaître au profit de conventionnement avec les structures sanitaires publiques. Il en sera de même avec les cabinets médicaux privés, essentiellement de médecins généralistes. Il a expliqué que le choix arrêté par l'assuré, sur un médecin traitant lui permettra un accès plus facile aux soins, lesquels seront hiérarchisés ; évitement de dépenses inutiles et enfin de disposer d'un dossier médical de suivi. “Si l'assuré social n'adhère pas à ce dispositif, il ne bénéficiera pas de la formule du tiers payant. Il s'agit là de recadrer le rôle du médecin généraliste”, a-t-il prévenu. Il a ajouté que 66% des médecins généralistes ont déjà souscrit au système de conventionnement contre 17% de spécialistes. Dr Acheuk a souligné que le tarif de référence de la consultation sera revalorisé à hauteur de 250 à 300 DA pour le généraliste et de 400 à 480 DA pour le spécialistes. Pour le Dr Mebtoul, responsable d'un laboratoire de recherche en anthropologie médicale – établi à Oran –, “le rôle du médecin généraliste est socialement banalisé”. Dr Acheuk lui a alors répliqué en rappelant que par “les conventions, le ministère sort le médecin généraliste de l'anonymat et le met au cœur de son dispositif de santé. C'est la meilleure façon de le valoriser”. Le professeur Oussadi, vice-doyen de la faculté de médecine de Tlemcen, chargé de la recherche et de la post-graduation a ramené l'assistante à prendre à nouveau conscience de la réalité – autant dire les insuffisances – de la médecine générale dans le pays. Il a affirmé qu'elle est peu performante, désorganisée, dévalorisée, peu attractive pour les jeunes diplômés et non intégrée dans le système de soin. Il a regretté que tous les praticiens de la santé, et les généralistes plus encore, “angoissent devant la pratique médicolégale. Ils pensent qu'elle ne relève pas de leur compétence. Ils ignorent les lois et ont généralement peur de prendre des décisions. Ce qui les amène à des erreurs et fautes d'appréciation”. Il a noté que sur les 2 500 consultations enregistrées au service de la médecine légale du CHU Tlemcen, 90% auraient pu être assurés par des médecins généralistes. “La médecine générale doit être reconnue comme une spécialité à part entière. La réflexion est lancée. Il reste à avoir le feu vert de la tutelle” a conclu le Pr Oussadi. Pour le Pr Jean-Pierre Jacquet, membre du Collège national des généralistes (France), il convient, plutôt, de dispenser une formation spécifique aux généralistes, car ils ont des aptitudes spécifiques à la résolution des problèmes. “Le médecin généraliste est en mesure de dépister précocement les maladies et de favoriser l'éducation à la santé”, a-t-il épilogué. Son confrère tunisien, le Pr Ali Chadly, a fait un plaidoyer pour l'optimisation de la formation médicale continue, par le biais de laquelle l'enseignement de base de la médecine et la pratique professionnelle se rejoindront dans le cercle. Le Dr Hadjidj a exposé un essai de recherche sur le Burn-out, qui menace les praticiens exposés pendant trop longtemps au stress d'un métier assurément difficile.