Les menaces résultant d'une transition énergétique – bien engagée dans les pays développés – commencent à se manifester non seulement sur notre système énergétique basé essentiellement sur les énergies fossiles mais aussi sur plusieurs autres secteurs de notre économie. La question est de savoir si nous avons bien identifié ces menaces et si nous pouvons les réduire à défaut de les transformer en opportunités. La réunion en décembre 2009 du sommet de Copenhague consacré au changement climatique, le package énergie-climat adopté pendant la présidence française par l'Union européenne (UE) et le programme “green energy” du président Obama sont autant de jalons de cette transition énergétique qui est en train de se construire sans nous et quelquefois contre nous. En effet, les menaces sont déjà là. Elles sont de plusieurs ordres. D'abord celle relative à la gestion et à la commercialisation des hydrocarbures. Elles commencent en début de chaîne avec l'obligation qu'on veut faire peser sur les pays de l'Opec pour prendre en charge tous les coûts de réinjection des gaz torchés diminuant ainsi le rejet dans l'atmosphère des gaz à effet de serre (GES). L'Opep avait déjà indiqué l'année dernière qu'elle souhaitait, pour ce faire, l'implication technologique et financière des grands pays consommateurs d'hydrocarbures. Il faut rappeler dans ce cadre que l'Algérie s'était engagée dès les années 1970 dans un vaste programme de réduction des gaz torchés sur ses gisements. Il est vrai que cela contribuait à l'augmentation de la pression et donc du débit de ses gisements pétroliers. Dans cet ordre d'idées, le projet coûteux de 100 millions $ mis en œuvre par Sonatrach et BP de capture de gaz carbonique (CO2) dans le champ de In Salah est devenu une référence mondiale de ce point de vue. Il permet au passage de rendre commercialisable le gaz selon les standards internationaux. En bout de chaîne au niveau de la consommation finale, la disposition qui risque d'être adoptée à Copenhague – dont la version française est déjà affichée – est d'instituer une taxe carbone pénalisant au final les seuls pays exportateurs d'hydrocarbures. En effet, il faut savoir pour cet exemple cité que la génération électrique d'origine nucléaire, qui en est la source majoritaire, n'est pas éligible à cette taxe. Cette taxe est par ailleurs récupérée pour financer les seuls programmes d'énergies renouvelables des pays consommateurs concernés. L'élargissement de cette taxe, souhaité par certains grands pays, à l'ensemble des utilisateurs d'énergies fossiles à travers le monde (hydrocarbures et charbon) ne sera supporté que par les seuls pays exportateurs car cela se répercutera par une baisse des prix pétroliers. C'est de mon point de vue l'un des enjeux du sommet de Copenhague qui nous touchera directement. Voyons une autre menace. Dans le secteur aérien, l'UE a institué l'été dernier, de façon unilatérale et au mépris de la convention de Kyoto, une directive sur la limitation d'émission de GES pour les avions atterrissant sur son territoire applicable y compris aux pays en voie de développement qui en étaient dispensés au titre de l'accord international cité. Il est vrai que ce n'est pas la première fois que l'UE agit de façon brutale à l'égard de ses partenaires notamment de la rive sud de la Méditerranée. Rappelons-nous de la directive européenne sur le gaz de 1996 qui remettait en cause les clauses de “take or pay” et de “destination” qui étaient les fondements des contrats à long terme de gaz pour approvisionner son marché. Depuis elle a fait marche arrière sur cette question. Mais la réduction de ces menaces se situe d'abord dans notre champ national. Elle passe, de mon point de vue, par une meilleure maîtrise de notre modèle de consommation énergétique caractérisé par un gaspillage avéré. À ce propos, la structure des prix domestiques des carburants est un des éléments participant de ce gaspillage. En ces temps de crise, maintenir par exemple à son niveau actuel, comme semble l'indiquer le projet de loi de finances 2010, le prix du gasoil augmentera assurément les importations de ce carburant insuffisamment disponible dans la composition de notre pétrole brut. Le deuxième élément de la problématique est de fixer sérieusement un profil de long terme de production et de consommation gazières en s'assurant là aussi que la structure des prix domestiques ne soit pas la pompe aspirante à haut débit de ressources historiquement limitées. Quant aux critères de choix des énergies alternatives algériennes à promouvoir, ils devront être basés prioritairement sur nos capacités naturelles et humaines à mobiliser nos ressources internes de façon durable. Dans la prise de décision, les choix déjà faits ailleurs dans ce domaine, notamment en Europe, (électricité d'origine nucléaire, électricité d'origine solaire, électricité d'origine éolienne) ne sont qu'un élément de second ordre dans l'analyse concurrentielle. Cet exercice multisectoriel, qui devra être fait chez nous, est préjudiciel à toute position collective notamment africaine, pouvant être défendue à Copenhague. Le temps est compté.