Sur l'indemnisation des usagers, c'est la cacophonie. “Machi bled” (ce n'est pas un pays), cette sentence prononcée par un commerçant de Chéraga résume, à elle seule, le ras-le-bol des citoyens face aux coupures d'électricité intempestives et inopinées opérées par Sonelgaz ces derniers jours, en application du programme de délestage décidé suite aux difficultés d'alimentation en énergie électrique que connaissent les régions est et centre du pays. “Très incommodants pour les clients, les délestages demeurent la seule solution pour soulager le réseau et minimiser les conséquences de cette situation qui peut dégénérer et causer l'effondrement de tout le réseau national”, avaient souligné, au cours d'une conférence de presse, les responsables de Sonalgaz. Ces derniers avaient averti que les délestages pouvaient être préventifs et tournants et toucheraient, en premier lieu, les gros consommateurs (clients haute et moyenne tension). Ceux-ci sont avisés à l'avance et sensibilisés sur l'état du réseau. Ils sont appelés à s'effacer en période de pointe, généralement entre 19 heures et 23 heures, ou ils sont tenus, durant cette période, par un seuil limité de tension. Le délestage peut être aussi automatique. Il est déclenché en cas d'incident et touche malheureusement toutes sortes de clients, y compris les ménages. Les responsables de Sonelgaz avaient estimé le temps du délestage entre trente minutes et une heure. Mais voilà, dans certains quartiers, les coupures d'électricité durent plusieurs heures, parfois toute la journée. Cela a été le cas à Bab Ezzouar, Hydra, Chéraga…, pour ne citer que ces quartiers. Bab Ezzouar, nous dit-on, a été privée d'électricité mercredi dernier de 21 heures jusqu'à l'après-midi du jeudi, soit plus de 16 heures. À Hydra, c'est quasiment le même scénario. Une partie de Chéraga a été privée d'électricité pendant plus de 7 heures. À 16 heures, lors de notre tournée, l'électricité n'était toujours pas rétablie. Boucheries, crémeries, pizzerias, tout le monde s'insurge contre ces délestages jugés “excessivement longs, surtout en cette période de chaleur”. Les boucheries et les pizzerias ont carrément baissé rideaux. “Je fais plus de 80 pizzas par jour. Qui me payera cette journée ?”, nous dit un commerçant rencontré à Chéraga. “C'est une honte, l'Algérie est un pays riche en gaz et nous manquons d'électricité”, ajoute-t-il. Un autre citoyen, en colère, rejoignant la discussion, cherche les mots pour qualifier la situation. “Je ne trouve pas les mots, on pleure l'Irak. Moi, je souhaite que les Américains viennent gérer ce pays”, affirme-t-il. Ce père de famille soutient qu'il a perdu tout ce qu'il y avait dans son réfrigirateur. Tout a été décongelé. “Une journée de coupure d'électricité, avec une température qui avoisine les 40°, c'est vraiment trop”, regrette-t-il. Les pharmacies ne sont pas en reste. Beaucoup de médicaments, comme les vaccins et l'insuline, risquent d'être dégradés. Ces médicaments sont très sensibles à la température. “Une coupure de cette longueur nous pénalise”, souligne un pharmacien. Un citoyen, irrité par les propos tenus par les responsables du secteur, lors de l'émission de télévision diffusée vendredi dernier, rumine sa colère. “J'ai regardé l'émission de vendredi passé. Ce ne sont pas des propos à tenir. C'est grave que des responsables de ce niveau tiennent ce type de langage”, dit-il. Notre interlocuteur pointe du doigt le représentant du ministère de l'Energie. “Il ne sait même pas ce que son ministre avait déclaré la veille”, ajoute-t-il. Lors de cette émission, à une question sur les propos tenus par le ministre de l'Energie, rapportés par la presse, concernant les indemnisations, le représentant du ministère répond qu'il n'est pas au courant. Le responsable de Sonelgaz a eu, au moins, le mérite d'être clair. Pour lui, contrairement à ce que le ministre a déclaré, il n'est pas question d'indemniser les marchandises et les journées perdues suite aux coupures d'électricité. La distribution de l'eau risque aussi d'être perturbée. Le ministre des Ressources en eau l'a, lui-même, reconnu. Abdelmadjid Attar estime que des délestages de plus de 3 heures auront nécessairement un impact sur la distribution de l'eau. Sur le plan économique, le problème est plus grave encore. Plusieurs entreprises accusent des pertes considérables de production. Ces pertes auront, à coup sûr, des répercussions sur la croissance. Le syndicat des travailleurs d'Ispat El-Hadjar annonce des pertes de production de 3 900 tonnes/jour et au niveau de la cimenterie de H'djar Essoud, les pertes sont estimées à 1 200 tonnes par jour (lire l'article de notre correspondant). Le complexe sidérurgique, souligne le syndicat, risque d'être paralysé. Les responsables de Sonelgaz, qui déplorent cette situation, soutiennent que le délestage est le seul moyen, pour l'instant, d'éviter que la situation ne dégénère et cause l'effondrement de tout le réseau national. Mais ils ont précisé que Sonelgaz aurait pu faire face à la demande si elle n'était pas confrontée au manque de réserve de capacité de production, dû, essentiellement, à la non-réalisation des investissements planifiés. Le président-directeur général de la Société nationale de l'électricité et du gaz a eu l'honnêteté d'avertir les citoyens que le plus dur est devant nous. En d'autres termes, il est possible que la Sonelgaz soit confrontée à des difficultés semblables durant l'hiver prochain. Lors de l'émission diffusée vendredi dernier par la Télévision algérienne, M. Benghanem a estimé que le pic maximum de consommation survient entre décembre et février, d'où son appel à prendre rapidement la décision de construire des centrales électriques. En attendant, les citoyens doivent prendre leur mal en patience. M. R.