Que de temps passé à attendre la “tripartie” pour annoncer l'augmentation de 3 000 dinars d'un Smig encore très en deçà du minimum vital ! Longtemps comprimé par de rares augmentations infinitésimales, le gouvernement et les “partenaires sociaux” qu'il s'est choisis se prévalent crânement de cette hausse de 25% de pas grand-chose. Une hausse soigneusement jugulée par l'intégration de la moindre indemnité dans le calcul du salaire du smicard. Les syndicats autonomes n'auraient certainement pas avalisé une augmentation d'un Smig qui, dans un pays où les salaires de fonctionnaires peuvent frôler le demi-million de dinars, n'a pas besoin d'être augmenté mais d'être repensé. La “tripartie” n'est pas un moment de concertation sociale. Elle a pour objet d'identifier les partenaires sociaux légitimes, du point de vue du pouvoir. Sous prétexte de décisions socioéconomiques, par ailleurs préétablies et au coût déjà provisionné par la loi de finances, elle organise la mise en scène d'une négociation. Ainsi institutionnalisée, la tripartite constitue un rempart où viendrait se briser toute revendication sociale autonome. Pouvoir, syndicat et entreprises sont conscients qu'ils se partagent, ou plutôt se disputent, la rente du sous-sol plutôt que les fruits de notre activité économique. La crise n'a pas eu l'effet qu'on redoutait sur la rente pétrolière et le gouvernement sait qu'il ne doit pas sa prospérité budgétaire aux contribuables, entreprises ou travailleurs. Il a juste besoin de figurants pour cette simulation de vie socioéconomique. En jouant le jeu, les organisations patronales obtiennent quelques promesses de consultations et que la bureaucratie de l'UGTA s'assure la pérennité de la gestion des budgets sociaux des institutions, enjeu bien plus engageant que le Smig. Echange de bons procédés. La démocratie syndicale contre de “petits arrangements entre amis”. Que peuvent alors ressentir des salariés affiliés aux syndicats autonomes devant le spectacle de la “tripartite” ? Pas plus d'amertume que ce qu'il reste de syndiqués à l'UGTA ! À la “tripartite”, ceux-ci n'étaient plus représentés. Si, d'ailleurs, le Smig a été revalorisé, des concessions ont été “arrachées” par le gouvernement, comme celle concernant la prohibition des retraites anticipées. Il n'est pas justifié, explique-t-on, qu'un travailleur puisse bénéficier de sa retraite avant l'âge requis. Pourquoi l'Etat n'appliquerait-t-il pas ce principe d'une incontestable logique à ses fonctionnaires du… “décret” qui jouissent du droit de jouir de leur retraite – indexée – au bout de dix ans de “décret” et quelle que soit la durée totale d'activité ? Parce que c'est le prix à payer pour désarmer politiquement l'élite institutionnelle ? L'Etat agit comme un Etat-syndicat dans ce domaine comme avec tous les privilégiés que le système s'est créés pour élargir sa base de soutien exclusivement fondée sur la logique du privilège. Comme nous sommes dans un système qui méprise le mérite, ceux qui bénéficient de tant de préséances sociales savent pour la plupart qu'ils le doivent à leur contribution à la stabilité de ce système. Les rentiers sont syndiqués. Leur syndicat, c'est le pouvoir. La tripartite est le poste avancé de la défense de leurs privilèges. M. H. [email protected]